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Maria Mettral: "Le lien à l’autre est essentiel pour moi"

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Didier Martenet
Maria Mettral, qui êtes-vous en 4 mots? « Persévérante, rieuse, confiante, responsable»
Interview intime

Présentatrice de la météo, mais avant tout comédienne et chanteuse, la Genevoise de 57 ans raconte son parcours, son rapport aux gens et les épreuves qui ont marqué sa vie.

Vous présentez la météo depuis plus de vingt-cinq ans. Comment expliquez-vous la pérennité de ce service à l’heure où les machines remplacent de plus en plus les humains dans tous les secteurs?

Mais précisément parce que les gens ont besoin d’humain. Les avancées technologiques permettent d’améliorer le quotidien et sont positives à plein d’égards. Mais au final, ce qui compte, c’est d’avoir une personne en face de soi. Notre société est en train de zapper l’humain. Nous multiplions les centaines d’amis sur les réseaux sociaux. Le mot «ami» n’a plus aucun sens à ce stade. J’ai le sentiment qu’il n’y a jamais eu autant de personnes seules qu’aujourd’hui. Moi, mes amis, je préfère les voir, les retrouver autour d’un verre ou me faire un bon resto avec eux.

Certains téléspectateurs vous manifestent-ils leur attachement?

Certains, oui. J’ai des relations épistolaires avec quelques-uns d’entre eux. Je m’inquiète d’ailleurs beaucoup de ne pas avoir de nouvelles d’Yvette, une dame avec qui je corresponds depuis plus de vingt-cinq ans. Mes deux dernières lettres sont restées sans réponse. Ce sont surtout les femmes qui m’écrivent, mais j’ai aussi entretenu une correspondance très chouette avec René, un téléspectateur. Et la météo m’a permis de rencontrer Marie-Christine et Bernard, un couple génial de Saint-Imier. Nous nous voyons régulièrement.

Et vous, qui admirez-vous?

Il y a Pierre Rabhi, pour sa réflexion sur l’être humain, sur l’environnement, pour cette idée de simplicité. Je ressens de plus en plus l’envie de retrouver la relation la plus simple et la plus directe avec l’autre. J’aime sa bonté et sa bienveillance. Ce sont des qualités dont j’ai réalisé l’importance au fil des ans. J’étais très proche de ma mémé, aussi. J’ai admiré sa force, son courage, sa ténacité. Et puis, à 96 ans, elle a décrété qu’elle en avait assez et s’est laissée mourir. Elle a été quelqu’un de très important dans ma vie et dans celle de ma famille. C’est elle qui avait pris mes parents sous son aile quand ils sont arrivés d’Italie.

Vous êtes en couple depuis bientôt trente ans avec votre mari, le comédien Christian Gregori. Comment l’avez-vous rencontré?

Nous nous sommes connus sur scène. Notre histoire s’est tout de suite imposée comme une sorte d’évidence, même si nous étions tous les deux à un moment difficile de nos vies. Nous n’avons pas réfléchi. Cela s’est fait naturellement. Je n’ai de toute façon jamais été capable de me projeter dans un futur calculé.

C’est l’homme de votre vie?

Disons que le temps parle pour nous (elle sourit). Je connais Christian par cœur. Cela fait vingt-neuf ans que nous sommes ensemble. J’ai d’ailleurs parfois de la peine à réaliser à quel point les années passent vite. C’est vertigineux!

Cela vous angoisse-t-il?

Ce n’est pas une angoisse, juste un constat un peu désagréable. J’ai toujours en mémoire la dernière phrase que mon père m’a dite avant de mourir: «J’ai encore tellement de choses à faire!» Il avait tout juste 71 ans à son décès. Cette phrase m’a bouleversée. Mon père était un homme joyeux, un amoureux de la vie qui s’intéressait à plein de choses. Son cri du cœur m’a infiniment touchée. Aujourd’hui, c’est moi qui ai encore énormément de choses à faire. Mais plus les années passent et plus le chemin se rétrécit. Et puis il y a mes enfants qui grandissent. Les enfants, ce sont des marqueurs terribles.

Il faut dire que vous êtes devenue grand-mère jeune, puisque vous aviez 49 ans

Oui. Et mon deuxième petit-fils vient de fêter sa première année. Etre grand-mère est un cadeau, un bonheur simple et pur. Cela symbolise une continuité. Paradoxalement, mes petits-enfants me ralentissent.

Qu’est-ce qui va mieux aujourd’hui qu’avant?

Je crois avoir acquis davantage de recul. On m’a souvent reproché d’être trop impulsive. C’est dans ma nature. Je dis tout de suite ce que je pense, souvent de manière un peu cash, rarement au bon moment ou de la meilleure des manières. Je manque un peu de diplomatie. Je suis épidermique, très réfractaire à l’injustice. Ça me prend au ventre et je pars au quart de tour.

Qu’est-ce qui vous met hors de vous?

Le manque de courage. Quand les gens n’assument pas leurs responsabilités. Dans 99% des cas, la plupart d’entre eux n’oseraient par exemple jamais dire de vive voix ce qu’ils écrivent planqués derrière leur téléphone ou leur ordinateur. Cela me rend malade. J’ai toujours tenu à dire les choses en face. Cela prend les proportions que cela prend, mais c’est à chaque fois sincère et honnête.

Votre mari dit d’ailleurs de vous que vous êtes «douée pour la vie». C’est vrai?

C’est en tout cas un beau compliment. Nous sommes deux opposés, deux êtres complémentaires. Lui a tendance à voir le verre à moitié vide, moi plutôt à moitié plein. J’aime avancer, je suis de nature positive. Mon mari est un grand angoissé mais il a un humour décapant. Il ressent très fortement la souffrance. Moi, j’ai besoin de voir ce qui va bien dans le monde et chez les gens. La vie est merveilleuse et cette posture est moins anxiogène, elle aide à avoir foi en l’humain.

Y a-t-il malgré tout une épreuve qui a changé votre rapport à l’existence?

Non, même si j’ai connu quelques gros coups durs, dont la perte d’un enfant. Mais je n’en ai jamais voulu à personne. Qu’est-ce que cela m’aurait apporté de nourrir de la haine ou de la rancœur? Même si le terme est galvaudé et servi un peu à toutes les sauces, je crois à la résilience comme moyen de survie.

Comment se remet-on d’une telle épreuve?

J’ai perdu cet enfant à six mois et demi de grossesse. J’avais 30 ans. Le médecin qui me suivait s’est mis en tête de me faire une amniocentèse tardive à la suite d’une prise de sang soi-disant suspecte. Cela s’est mal passé. J’ai failli mourir des suites d’une septicémie. On a dû m’injecter un produit pour me sauver, mais le traitement a condamné mon bébé. J’ai accouché de mon fils décédé. Ce petit garçon a été le premier enfant que nous avons eu ensemble, Christian et moi. Cette épreuve a été extrêmement dure à surmonter, mais j’avais la nécessité d’avancer très rapidement. Mon premier fils, qui avait 5 ans à l’époque, comptait sur moi. Mais mon mari a porté ce deuil très longtemps. Aujourd’hui, ce n’est plus une souffrance. J’ai subi deux avortements et plusieurs fausses couches. Je suis tombée enceinte onze fois dans ma vie. C’était certainement mon chemin. Je me sens profondément mère, et les enfants sont une force fantastique qui nous tire vers l’avant.

Vous avez souvent évoqué aussi vos liens très forts avec votre père...

Oui, son départ a été extrêmement douloureux, car nous avions beaucoup de points communs tous les deux. Le même caractère affirmé, une vision semblable de la vie. Il m’a élevée en me répétant: «Maria, une fois adulte, travaille et ne dépends que de toi-même!» Ses mots m’ont marquée, forcément. Il m’a transmis sa passion pour l’art, la musique, le ski, la cueillette des champignons. Je me souviens qu’il m’amenait à l’école sur son vélo. Mon père était quelqu’un de très joyeux, de facétieux. Les gens riaient beaucoup avec lui. C’était un magnifique papa.

Quel est votre premier souvenir tous les deux?

Mon père était tailleur de formation et tenait une boutique de vêtements à Genève, mais il aurait rêvé d’être médecin s’il avait eu la possibilité d’étudier. Alors, quand mon petit frère et moi étions malades, c’est toujours lui qui nous soignait. Il avait toutes sortes de bouquins de médecine et connaissait énormément de choses sur le sujet. Ce sont des moments très forts que je garde de lui.

Et avec votre mère?

Elle était en retrait par rapport à mon père, mais elle a été une vraie mamma italienne, très présente à la maison, qui s’occupait énormément de nous, qui dormait à notre côté quand ça n’allait pas. Ma mère a toujours eu une immense douceur et en même temps un côté extrêmement angoissé. C’est quelqu’un de bienveillant et de câlin. Jamais elle ne nous a grondés quand nous étions enfants.

Vous faites du théâtre, de la télévision, de la chanson. Etre dans le regard des autres, c’est quelque chose d’important?

Oui, pour le plaisir de partager. Pas pour flatter l’ego. Le lien à l’autre est essentiel pour moi. Je donne des formations à la télévision et j’ai ce même plaisir d’être dans l’échange. C’est cette dimension qui m’a donné envie de faire le métier de comédienne.

Si c’était à refaire, changeriez-vous quelque chose à votre parcours?

Oui. Je crois que je creuserais davantage le chant. Chanter me transperce, me transporte. La voix associée à une mélodie, je trouve cela bouleversant. Je me serais aussi lancée dans les sciences si j’en avais eu les capacités. J’aurais adoré devenir astrophysicienne. J’ai une fascination pour tout ce qui a trait à l’univers, aux étoiles. J’ai écouté plusieurs conférences de Claude Nicollier, de Georges Charpak ou de Stephen Hawking et lu de nombreux ouvrages sur le sujet. Hélas, je n’ai jamais été très douée en sciences. J’aimais étudier mais je m’ennuyais pendant certains cours. Je faisais surtout plaisir à mon père. Après ma demi-licence, ma passion pour le théâtre a été la plus forte et j’ai arrêté l’université. C’est sur scène que je me suis toujours sentie chez moi.

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