
Dix pour cent des jeunes Suisses vivent dans la pauvreté dès l’âge de 18 ans. Une statistique qui peut étonner. Pourtant, comme Marie, 25 ans, il a suffit d’un drame familial pour basculer très vite et très jeune dans la précarité.
Marie Birbaum, 25 ans, étudiante en 3e année pour devenir assistante sociale, Monthey (VS)
«Aujourd’hui, je vois le bout du tunnel. C’est même le rêve: dans six mois, je serai diplômée. Je vais commencer le travail qui me passionne, assistante sociale dans la protection de l’enfance. Et je vais gagner un premier vrai salaire! Au pire du pire, si j’ai de grosses factures ou un commandement de payer, je sais que je pourrai les honorer dans six mois.
Je ne veux absolument pas me plaindre, certains sont bien plus mal lotis que moi! Mais c’est clair: j’ai connu la galère. Mes parents ont divorcé il y a sept ans, et la même année, mon père a fait un terrible AVC. Alors que j’avais eu une enfance dorée, d’un coup, tout s’est écroulé. Ma mère est indépendante, elle gère une buvette de montagne. Mon père touche une rente AI de 2400 francs. Entre les frais médicaux et la vie quotidienne, ses économies ont fondu rapidement.
A 17 ans, je me suis retrouvée à Oron-la-Ville, à vivre chez ma marraine pour économiser les déplacements depuis le Valais, et terminer mon diplôme de couturière à Lausanne. Puis, j’ai voulu changer de voie. Mais pour devenir assistante sociale, il fallait faire une maturité. J’ai commencé l’ECG, le gymnase, à Monthey. Je ne pouvais plus vivre chez mes parents et eux ne pouvaient pas m’aider. Je touchais alors 1200 francs par mois de différentes allocations. Je suis devenue adulte d’un coup. Avec un loyer à 700 francs, 100 francs de prime à payer, plus les autres assurances et les frais de scolarité, mon budget était plus qu’improbable.
J’ai trouvé un emploi à 40% comme vendeuse chez Body Shop. Mais avec les cours à plein temps, mon rythme de vie était extrême. Je n’avais pas droit à l’aide sociale parce que j’étais en formation mais je ne voulais pas renoncer. Je voulais absolument étudier. Je ne mangeais pas grand-chose. Ma sœur m’amenait parfois des sacs de courses. En classe, je ne parlais pas de ma situation, sauf à certains enseignants qui se sont inquiétés de me voir rater des cours pour travailler. J’ai accumulé des dettes. J’ai finalement obtenu une bourse de l’Etat du Valais. Avec mon premier salaire, je devrai rembourser les 10 000 francs. J’ai réussi à finir ma maturité et à commencer la haute école.
Parfois, je me suis dit que j’allais arrêter. Devenir vendeuse. Mais ma famille et mes collègues m’ont encouragée. Les études, ce n’est pas un acquis en Suisse. Il faut se battre. A 25 ans, j’ai perdu l’aide de la rente AI de mon père. C’est à nouveau un peu plus dur. Je fais des extras la nuit et les week-ends. Une fois mes charges payées, j’ai 400 francs pour manger, payer l’essence et vivre. C’est un système D à flux tendu. Je vais devenir assistante sociale, je suis passionnée. Je reconnais ceux qui galèrent, je sais me battre. Si j’ai choisi cette profession, ce n’est pas un hasard.»
A lire aussi sur ce même thème, demain, le témoignage de Dayana.