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Goran Bezina: «Seul, je m’ennuie très vite»

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Didier Martenet/L'illustré
Le joueur emblématique des Aigles, revenu cette saison après six mois au Medvescak Zagreb, se livre sur sa carrière et son parcours professionnel.
Interview intime

Son équipe sortie prématurément des play-off, 
le hockeyeur de Servette, qui vient de fêter ses 37 ans, raconte son parcours entre sa Croatie natale, le Valais de son enfance et Genève, la ville de son club.

Les play-off se sont terminés brutalement pour Servette. Comment vit-on ce genre de déception au sein d’une équipe?

Difficilement. Nous avons passé quelques jours ensemble à Barcelone. Tout le monde est très, très déçu, évidemment. C’est assez difficile de trouver les mots quand on perd 4-0. En revenant à Genève cette saison, j’avais à cœur d’emmener cette équipe le plus loin possible. Personne ne s’attendait à une défaite aussi brutale. Le premier match perdu nous a complètement déstabilisés. Nous n’avons tout simplement pas réussi à nous relancer.

Vous êtes hockeyeur professionnel depuis bientôt vingt ans. Qu’est-ce que le sportif a appris à l’homme avec les années?

C’est difficile à dire, parce que j’ai du mal à dissocier l’un de l’autre. Je fais du hockey depuis que je suis gamin. Avec le temps, l’homme et l’athlète se sont fondus dans une seule et même entité. Je réagis de la même manière sur la glace qu’en dehors. J’ai besoin d’avancer sur les deux plans, je suis un type calme sur une patinoire et en dehors. Je n’aime pas les conflits avec mes coéquipiers comme avec mon entourage.

Vous n’aimez pas les conflits?

Je déteste ça depuis toujours. Les situations qui s’enveniment et explosent après coup, c’est le pire truc qui puisse m’arriver. J’aime la franchise, j’ai besoin que les choses soient dites et réglées tout de suite. Cela dit, j’ai un peu changé avec le temps. J’étais davantage dans la confrontation avant. Aujourd’hui, je suis certainement plus intelligent et réfléchi qu’il y a vingt ans. J’écoute un peu plus mon entourage. Je reste toujours un peu têtu mais je suis plus ouvert qu’avant.

Qu’est-ce qui vous met en colère?

La méchanceté. Les gens qui se mêlent de la vie des autres, qui font du mal intentionnellement. Ça me bouffe.

Vous avez dit un jour de votre coach, Chris McSorley, que vous aviez fini de grandir ensemble. C’est vrai?

Bien sûr! Quand on passe douze ans avec quelqu’un, on évolue forcément ensemble. Parfois dans la même direction, parfois à l’opposé. C’est un peu comme dans un couple. Avec Chris, ces derniers temps, nous avons pris des directions différentes, mais on a continué à évoluer tous les deux.

Que vous a-t-il apporté?

Chris m’a fait confiance pendant douze ans, il m’a mis sur la glace et offert une stabilité que je n’aurais certainement pas connue ailleurs. J’ai pu jouer dans un club francophone, proche de ma famille, de la maison. Dans une carrière de sportif, c’est exceptionnel.

Un coach, c’est quoi? Un mentor, un modèle, une figure paternelle?

Cela dépend du coach. Chris n’a jamais été une figure paternelle, parce qu’il a toujours maintenu une distance professionnelle entre nous. Ce n’est pas quelqu’un auprès de qui j’irais me confier. Il m’a aidé sur la glace, mais sur le plan personnel, c’était très différent. Mais je n’ai jamais recherché ça non plus, en même temps. Je n’aime pas tout mélanger, et j’ai surtout un père dont je suis très proche.

Vous êtes arrivé de votre Croatie natale à l’âge de 9 ans. Quelle première image gardez-vous de la Suisse?

Les montagnes. Je n’avais jamais vu la neige. Avec ma mère et mon petit frère, qui avait 3 mois à l’époque, on est arrivés en voiture par le Grand-Saint-Bernard. Mon père était déjà en Suisse. Il avait été recruté comme joueur de waterpolo par l’équipe de Monthey. Il souhaitait vivre ici quelques mois avant de nous faire venir. Nous avons vécu les premiers jours dans un chalet à Morgins, avant de nous installer dans le Chablais. J’ai grandi à Split, au bord de la mer, ça a été un peu le choc. Tout était neuf et intéressant parce que je découvrais l’opposé de ce que j’avais vécu jusque-là. Je suis arrivé au mois d’août, quelques semaines après je commençais l’école. J’ai dû tout de suite m’intégrer, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. En rentrant de mon premier jour de classe, j’ai dit à mes parents: «Je ne savais pas que j’avais autant de copains ici!» Les enfants ont été sympas et accueillants avec moi. La chance, à Monthey, c’est qu’il y avait beaucoup d’étrangers. Mon intégration s’est faite très facilement. Et puis j’étais un petit garçon ouvert, proche des gens, j’ai toujours eu le contact facile. J’ai appris le français en deux mois. Mes parents prévoyaient de rentrer quelques années plus tard, mais la guerre a éclaté. Nous sommes finalement restés. Mon père a travaillé à Ciba, ma mère chez Manor. Mes parents ont toujours voulu s’intégrer.


Matricule 57. Goran Bezina devant son casier, dans les vestiaires de Genève-Servette, son club depuis douze ans. Photo: Didier Martenet

Vos parents vous racontaient-ils ce qu’il se passait dans les Balkans?

Non. J’avais 11 ans, ils en parlaient peu à la maison. Certainement pour me préserver. Notre famille sur place, à Split, n’était heureusement pas touchée par le conflit. C’est plus tard que j’ai vraiment pris conscience des horreurs de cette guerre. En lisant des livres, en m’intéressant à l’histoire. L’année dernière, quand je jouais à Zagreb, j’ai eu l’occasion de visiter Vukovar. C’était très fort de ressentir à quel point cette ville est encore marquée par l’atrocité des conflits après toutes ces années. Aujourd’hui, j’en parle aussi parfois avec ma compagne. Elle est Bosniaque et a vécu la guerre dans son propre pays.

Vous avez grandi entre Split et Monthey, vous êtes parti trois ans aux Etats-Unis, aujourd’hui vous êtes installé à Genève. Où vous sentez-vous le plus à la maison?

Je ne sais pas très bien. Longtemps, c’était le Valais. Monthey était mon port d’attache, là où je rentrais me ressourcer. Ensuite, en fondant ma famille, je m’en suis un peu distancé. Avec la mère de mes enfants, nous étions installés dans notre maison de Saint-Prex. Il y a deux ans, je suis parti. Nous étions ensemble depuis l’âge de 15 ans et avons vécu vingt belles années tous les deux, avant de prendre des chemins différents. Aujourd’hui, je suis en train de m’installer à Genève avec mon amie. Elle a huit ans de moins que moi et fait des études à l’étranger.

Quels sont vos liens avec la Croatie?

J’ai passé une enfance heureuse là-bas, même si je sais qu’avec les années et la distance on embellit parfois les choses. Je suis toujours resté très attaché à mon pays d’origine. J’ai besoin d’y aller chaque année. Mes liens se sont encore renforcés avec le temps, je ne sais pas très bien pourquoi. C’est bien tombé que je puisse partir à Zagreb la saison dernière. Les choses n’allaient plus très bien avec Chris McSorley, il a souhaité que je parte. Et j’ai eu cette chance à un moment de ma vie où j’en avais le plus besoin. C’était une expérience que j’avais envie de vivre.

Comment avez-vous géré ces retrouvailles avec Servette? Vous n’en avez jamais voulu à Chris McSorley de se séparer de vous après toutes ces années?

Non, je ne lui en ai pas voulu. Je savais qu’un jour ça s’arrêterait et que ça ne se ferait pas forcément dans les meilleures conditions. Je connais le sport, je m’y étais préparé. Je n’ai jamais été rancunier et je reste convaincu que tout ce qui nous arrive dans notre vie ne se produit pas par hasard. Il y a forcément un sens à aller chercher. Et puis, six mois plus tard, j’étais de retour.

Quel rapport avez-vous avec l’argent?

Quand on en a, il est facile de dire qu’on n’en a pas besoin. Cela peut paraître un peu prétentieux d’affirmer que l’argent ne fait pas le bonheur quand on gagne bien sa vie, mais je sais que j’ai besoin de peu de choses pour être heureux. J’ai la chance d’avoir de l’argent aujourd’hui, j’en aurai probablement moins à l’avenir, mais je me sens privilégié de ne pas avoir de souci pour finir le mois, de pouvoir dépenser sans trop me poser de questions.

Vous êtes père de deux enfants. Comment aimeriez-vous qu’ils parlent de vous plus tard?

Comme ils le souhaitent. Ma fille a 11 ans, mon fils 7 ans. On verra bien ce qu’ils diront de leur père dans quelques années, mais j’espère que j’aurai réussi à leur transmettre les outils pour qu’ils s’en sortent bien dans leur vie. J’essaie de leur inculquer des valeurs comme la gentillesse, le respect des autres, la volonté de donner tout ce qu’ils ont en eux pour avancer. Je leur rappelle aussi souvent la chance qu’ils ont d’être nés et de grandir dans ce pays. Beaucoup d’enfants n’ont pas ce privilège.

Et vous, quelle éducation avez-vous reçue?

Mes parents m’ont donné à la fois un cadre strict et beaucoup de libertés. J’ai été un enfant indépendant et autonome très rapidement.

Etiez-vous bon élève?

Oui, j’ai toujours eu beaucoup de facilité. Trop, peut-être. A l’école obligatoire, j’avais l’habitude de passer mes années sans étudier. Quand je suis arrivé au collège de Saint-Maurice (ndlr: les années préparatoires à la maturité fédérale), j’ai réussi mes deux premières années en continuant comme je l’avais toujours fait, mais ça s’est gâté par la suite. D’autant qu’à cette époque j’étais engagé à Villars en première ligue. J’ai un peu lâché l’école. J’ai finalement entrepris un CFC de commerce par la suite. C’est un peu le seul regret que j’ai.

Pourquoi?

Parce que j’aurais voulu aller plus loin dans mes études. Les sportifs ont une image de gens pas toujours très malins. C’est peut-être vrai pour certains, mais de loin pas pour tous. Pour réussir une longue carrière, il faut forcément une intelligence du jeu. C’est dommage que certains sportifs n’arrivent pas à l’exprimer en dehors de leur discipline.

La vie de hockeyeur est une vie de groupe. Entre les trajets, les entraînements et les matchs, vous êtes tout le temps avec votre équipe. La solitude ne vous manque-t-elle jamais?

Pas vraiment. Je ne suis pas un solitaire, je m’ennuie très vite. Les seuls moments où j’aime me retrouver seul, c’est en voiture. Je mets de la musique et je m’évade.

Etes-vous croyant?

Oui, mais à ma manière. Je n’ai pas besoin d’aller à l’église pour prier, mais je pense que la religion fait partie de l’éducation, d’une forme de culture générale qu’on devrait tous connaître. La plupart des messages religieux sont plutôt bienveillants à la base. Je suis plus dubitatif quant à l’interprétation qu’en font certains croyants, en revanche. Je trouve rassurant que le pape actuel essaie de donner à l’Eglise une image un peu plus moderne et modeste. Cela n’a pas toujours été le cas.

Vous avez fêté vos 37  ans ce 21  mars. Pensez-vous à la retraite?

Oui, tout peut aller assez vite à cet âge. Nous sommes en train de discuter de la suite avec Servette, pour que je puisse continuer à œuvrer dans le club. J’ai la chance d’avoir une longue carrière et de bien gagner ma vie. J’ai pu investir dans l’immobilier, je vais essayer d’exploiter un peu ça aussi. Mais je pense que je 
vais rester dans le hockey d’une façon 
ou d’une autre, parce que ce sport, c’est ma vie.

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Les 12 conjoints des Anges de Victoria's Secret

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Mais qui sont donc ces hommes bien chanceux qui partagent la vie des «Anges» de Victoria’s Secret, la marque de lingerie la plus sexy du moment? On commence ici avec la somptueuse Suédoise de 28 ans Elsa Hosk qui sort depuis près de deux ans avec Tom Daly, le co-fondateur de la marque de lunettes District Vision.
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Josephine Skiver. Promue «Ange» de la marque en 2016, la belle Josephine partage sa vie aux côtés d’Alexander DeLeon, le chanteur du groupe pop rock The Cab, depuis maintenant plus de trois ans. Le couple a emménagé à Nashville, dans le Tennessee.
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Candice Swanepoel. Le splendide mannequin originaire d’Afrique du Sud est en couple depuis douze ans avec le mannequin Hermann Nicoli. Ils se fiancent en 2015 et accueillent leur premier enfant, un petit Anaca, né en octobre dernier.
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Jasmine Tooks. Après avoir été en couple avec le mannequin danois Tobias Sorensen, la belle Californienne s’affiche depuis peu avec Juan David Borrero, un jeune homme qui n’est autre qu'un des managers de la célèbre application Snapchat.
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Doutzen Kroes. L’ancienne égérie de la marque Victoria’s Secret est mariée au DJ néerlandais Sunnery James. Ensemble, ils sont les parents d'un petit Phyllon, né en janvier 2011, et d’une petite fille âgée aujourd’hui de 3 ans.
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Romee Strijd. Le top-model néerlandais de 21 ans a une relation depuis plusieurs années avec un certain Laurens van Leeuwen. Le couple poste régulièrement des clichés d’elle et lui ensemble en vacances. De quoi en faire rêver plus d’un…
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Alessandra Ambrosio. La belle et grande Alessandra connaît tout de la marque de lingerie pour qui elle défile depuis déjà près de 17 ans. Depuis 2005, elle est en couple avec Jamie Mazur, un homme d'affaires américain qui lui a donné deux beaux enfants. Leur aînée Anja a fêté ses 8 ans, aux côtés de son petit frère Noah, âgé de 4 ans.
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Sara Sampaio. Depuis 2015, la jeune Portugaise est en couple avec le fondateur et CEO de la compagnie Ocean Group Oliver Ripley.
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Lily Aldridge. Bien qu’elle soit régulièrement sous le feu des projecteurs, Lily est avant tout une maman et une épouse comblée. En 2007, elle tombe amoureuse du chanteur et guitariste des Kings of Leon, Caleb Followill, lors du festival de Coachella. Depuis, une petite Dixie Pearl est née de cet amour.
Amour
Les 12 conjoints des Anges de Victoria's Secret

Roger Federer,
 la plénitude

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Dukas
Le champion, entouré de ses quatre enfants, profi te du soleil sur la plage de Miami, lundi 20 mars. Au lendemain de sa victoire à Indian Wells, l’homme aux 18 titres du Grand Chelem a atterri en Floride.
En famille

Au lendemain de sa victoire à Indian Wells, le champion savourait en toute décontraction une journée à la plage en famille. Jamais Federer n’était apparu aussi détendu et serein. Comment fait-il? Décryptage d’un incroyable retour.

Il paraît que les blessures ne surgissent jamais par hasard. Qu’elles rappellent au corps et à l’esprit de se reposer. Rarement Roger Federer aura paru aussi en forme et détendu, proche des gens, disponible pour ses fans. Il y a quelques jours, sur la plage de Miami, le Bâlois a enchaîné les selfies avec ses admirateurs, souriant et décontracté, entre deux roulades dans le sable incognito avec ses enfants. Avant ça, ceux qui le suivent sur les réseaux sociaux l’ont découvert en chanteur de boys band à Indian Wells, aux côtés des joueurs Grigor Dimitrov et Tommy Haas. Quelques jours plus tard, le champion se prêtait au jeu d’une conférence de presse menée par les enfants d’une école, avant de lancer une série de pompes collectives.


Sur une plage de Miami, Roger Federer joue avec ses enfants. L'image d'un bonheur parfait, en dehors des courts mais également dessus! Photo: Dukas

L’Américain Rosecrans Baldwin, auteur de l’interview du champion suisse qui fait la une du prestigieux magazine GQ, a aussi été surpris par son esprit libéré et bon enfant. «Je l’ai rencontré dans les Grisons, cinq jours après sa victoire à l’Open d’Australie, nous explique-t-il. Il est venu me chercher à mon hôtel de Valbella et on est allés manger une raclette ensemble. C’était son idée. J’ai été frappé par son tempérament facile à vivre. La plupart des personnalités que j’interviewe se construisent un personnage ou restent sur la retenue. Roger était complètement lui-même, spontané, comme n’importe quel type ordinaire. Soit c’est un très bon acteur, soit il a suffisamment les pieds sur terre pour avoir résisté aux pièges de la célébrité.»

S’arrêter pour mieux gagner

A bientôt 36 ans, Roger Federer est plus qu’un athlète. C’est une icône, un mythe vivant, un des rares sportifs, à l’image d’un Michael Jordan ou d’un Mohamed Ali, à faire l’unanimité aux quatre coins du monde. «Je suis impressionné par sa fraîcheur mentale, analyse Yves Allegro, coach principal à Swiss Tennis et ami proche de Rodgeur. Il s’éclate comme un gosse. J’ai l’impression de voir les jeunes que j’entraîne. Il aime le tennis comme un gamin. On perçoit chez lui une forme d’insouciance, de sérénité, presque de plénitude. Après vingt ans de carrière, c’est fort d’avoir ces ressources-là.» Roger Federer l’avait annoncé dès ses premiers coups de raquette en Australie fin décembre dernier. De retour après six mois d’absence pour soigner ses blessures au dos et à un genou, le Bâlois parlait déjà d’une pause salutaire. «C’était la meilleure période pour le faire. Je voyage avec ma famille toute l’année. C’était agréable de pouvoir passer du temps avec eux au même endroit, de se poser et de retrouver une forme de routine. Ce début d’année s’annonce unique.» Des paroles quasi prophétiques quand on connaît la suite: un 18e trophée du Grand Chelem soulevé à Melbourne le 29 janvier, puis cette victoire à Indian Wells, dans la foulée. Sous le soleil du désert californien, le Suisse a décroché son 90e titre, un 25e Masters 1000 pour égaler Novak Djokovic, seul quintuple vainqueur du tournoi jusque-là. A 35 ans et 7 mois, le Bâlois est aussi devenu le plus vieux gagnant d’un Masters 1000. Un record détenu depuis 2004 par Andre Agassi, lauréat à Cincinnati à l’âge de 34 ans. Roger Federer a signé 14 victoires en 15 matchs depuis le début de l’année. Et si cette première vraie parenthèse en près de vingt ans de carrière avait offert au champion un nouveau tremplin? «Ce break était visiblement une très bonne idée, explique Yves Allegro. Je pense même que ça a fait réfléchir quelques entraîneurs et jeunes joueurs sur les bénéfices que peuvent apporter des pauses comme celle-ci. Cela démontre qu’il est souvent payant de s’arrêter et de prendre un peu de recul sur sa carrière, surtout quand elle dure, comme celle de Federer, depuis autant d’années. Ces périodes sont importantes pour le physique comme pour le mental. J’explique souvent à mes jeunes qu’en ne s’entraînant pas, on progresse aussi.»


Daddy cool. Avec l’une de ses jumelles. Difficile de savoir s’il s’agit de Myla Rose ou de Charlene Riva. Les aînées du couple Federer fêteront leurs 8 ans en juillet prochain. Photo: Dukas

S’il a été contraint de s’arrêter en juillet dernier à cause de ses blessures, le Suisse a en revanche choisi volontairement de prolonger sa pause jusqu’à la fin de la saison. Chez les tennismans, ces périodes d’arrêt s’organisent en plusieurs phases, selon Yves Allegro. Un temps de repos d’abord, puis la guérison de la blessure, et enfin la reconstruction physique. «A ce niveau-là, quand on ne s’entraîne pas pendant quelques semaines, la musculature en pâtit très vite. Puis il y a la partie technique et tactique qui prend son importance au fur et à mesure que les compétitions approchent. Rodgeur a pris le temps de faire sur six mois ce que la majorité des joueurs font en cinq ou six semaines à la fin de leur saison. Il a donc eu plus de temps pour se reposer, plus de temps pour se reconstruire et plus de temps pour travailler son tennis», analyse le coach valaisan.

Plus de temps pour affûter son mental aussi. «La confiance dépend forcément du physique, explique Alain Meyer, psychologue du sport. Federer connaît son corps par cœur. Les sportifs de ce niveau savent exactement ce que telle ou telle sensation signifie. Il est revenu en janvier au top de sa forme physique. L’expérience et le mental ont suivi. Ce qui me frappe toujours en l’observant, c’est sa capacité à rester dans le moment présent, dans la pleine conscience. Il prend chaque point l’un après l’autre. Lorsqu’il frappe un deuxième service, il n’est pas en train de penser au premier qu’il a raté ou à une éventuelle double faute. Il pense à frapper ce service du mieux possible. Essayez de regarder un match de Federer sans allumer le son: c’est souvent impossible de savoir s’il a remporté ou perdu le point, tant il exprime peu ses émotions sur le terrain. C’est pour ça qu’il explose pareillement à la fin quand il gagne. C’est l’une de ses grandes forces.»

Reconquérir son jardin


Oui, ce début d’année est unique. Au point de dérouter jusqu’à Roger Federer lui-même. Ses victoires lui ont permis de passer de la 17e à la 6e place du classement ATP. «Le plan n’était pas de gagner l’Australie et Indian Wells. Le plan était de figurer dans le top 8 de l’ATP avant Wimbledon…» lâchait-il au lendemain de sa finale en Californie. Roger Federer peut-il redevenir No 1 mondial? La question agite déjà la planète tennis. «Bien sûr que ce serait extraordinaire qu’il redevienne No 1 mondial à bientôt 36 ans, s’enthousiasme Yves Allegro. Il marquerait encore un peu plus l’histoire. Mais je pense que son but, avant tout, est de remporter un 19e Grand Chelem. Sa priorité sera de reconquérir son jardin de Wimbledon en juillet.»


Sur le circuit, Roger Federer est l’un des rares joueurs à voyager avec sa famille au complet. Photo: Dukas

Le Bâlois a expliqué réfléchir à son calendrier pour la saison à venir sur terre battue. La semaine dernière, le Suisse ne figurait pas sur le tableau dévoilé par le tournoi de Monte-Carlo, organisé du 15 au 23 avril prochain. Ses objectifs ne sont désormais plus les mêmes après ce début d’année riche en succès. «Je prends tellement de plaisir sur les courts. Je vis un conte de fées», confiait récemment le champion. Peu importe le parcours de Roger Federer ces prochains temps, son début de saison a d’ores et déjà marqué l’histoire.

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Un même foie pour Anton, 2 ans, et Mike, 15 ans

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Christophe Chammartin / Rezo
Dans le jardin des HUG, Mike, 15 ans, de Frauenfeld et Anton, 2 ans, de Neuchâtel, se retrouvent un an après leur greffe, pour des contrôles médicaux. Entre les deux, beaucoup de tendresse.
Santé

Anton et Mike 
souffraient tous deux d’une maladie grave du foie. Il y a un an, on leur a transplanté le même organe. Prélevé sur le même donneur, puis séparé en deux, ils en ont reçu une moitié chacun. Un lien particulier les unit à jamais. Récit d’un miracle médical.

Il y a le grand qui pousse, les bras tendus, mi-sérieux, mi-taquin. Et puis le petit, qui sourit à chaque fois que ses pieds se rapprochent du ciel, les mains en l’air, tout à sa joie de voler. Cela pourrait être des frères ou des cousins, sur cette balançoire. L’histoire est plus singulière. Mike, 15 ans, et Anton, 2 ans, se retrouvent dans le jardin de l’hôpital des enfants, à Genève. Il y a un an, ils ont tous deux été transplantés avec le foie du même jeune donneur, en mort cérébrale. Un seul foie, séparé en deux. Une partie pour chaque enfant, deux vies sauvées et, désormais, un avenir à jamais lié.


Ultracompétentes et superdynamiques, les professeures Barbara Wildhaber (à g.) et Valérie McLin (devant) ainsi que leur collègue Michèle Steiner, infirmière spécialisée et «case manager», sont spécialistes des maladies du foie. Elles gèrent le Centre suisse des maladies du foie de l’enfant aux HUG. Photo: Christophe Chammartin/Rezo

Mike et Anton n’ont pas le même âge, des familles différentes, mais leur début d’existence se ressemble. «Trois semaines après sa naissance, raconte Emilie, la maman d’Anton, nous avons remarqué que ses selles étaient devenues complètement blanches.» A l’hôpital de Neuchâtel, les médecins diagnostiquent un problème sérieux et transfèrent le nouveau-né en urgence aux Hôpitaux universitaires de Genève, le centre national de prise en charge des enfants atteints d’une maladie du foie. «Les médecins ont fait des tests et nous ont dit qu’Anton souffrait d’une atrésie des voies biliaires. C’était très grave, il fallait l’opérer vite. C’est comme si le ciel nous tombait sur la tête. On ne peut jamais imaginer quelque chose de pareil», murmure Jeremy. Le papa d’Anton en est encore bouleversé. Il revit ces instants au présent. Le traumatisme est encore là, l’émotion vive. La première année de vie d’Anton a marqué sa famille. Le bébé refusait de s’alimenter, il a fallu lui poser une sonde. Les nuits étaient courtes et agitées, les journées rythmées par l’angoisse, le stress et l’attention à porter tant à Anton qu’à son grand frère, un an et demi à l’époque.

Le sursis de Kasai

L’atrésie des voies biliaires est une maladie d’origine inconnue. Les canaux qui collectent la bile synthétisée dans le foie pour la transporter vers l’intestin sont bouchés. «Sans intervention pour connecter le foie à l’intestin, la maladie évoluerait vers une cirrhose et au décès de l’enfant dans ses premières années de vie», explique la professeure Valérie McLin, responsable de l’Unité de gastroentérologie pédiatrique et directrice médicale du CSMFE, le Centre suisse des maladies du foie de l’enfant. L’intervention de Kasai, son nom, est une étape. Dans certains cas, elle permet d’éviter la greffe ou de la retarder nettement. C’est ce qui s’est passé pour Mike. Lui aussi souffrait d’une atrésie des voies biliaires, comme un enfant sur 18 000 en Europe. Remo, le père de l’adolescent de Frauenfeld, se souvient du retour à la maison après la maternité. Mike vomissait sans cesse. Ce sont ces renvois anormaux qui ont alerté la sage-femme à domicile. «La nouvelle a eu l’effet d’une bombe, décrit Remo. Mais le fait de savoir ce qui se passait nous a aidés à faire face.» Mike a été opéré un mois après sa naissance. «Ensuite, on a essayé de lui donner une enfance la plus normale possible. Il a fait du sport, est allé à l’école, a joué avec sa petite sœur: il n’a pas grandi dans une bulle.»

Une greffe, la liberté

«Depuis tout petit, raconte l’ado, je sais que j’ai une maladie. Je n’avais pas spécialement peur de mourir, mais il a toujours fallu que j’explique à quoi je devais ma cicatrice. Les derniers temps, je devais faire attention à ne pas me blesser. Comme le sang ne circulait plus bien à travers mon foie, ma rate se dilatait et je risquais une hémorragie. Pour le hockey, c’était compliqué. J’en avais un peu marre de faire attention. Je me réjouissais d’être greffé, je voyais cela comme une liberté.»


«Après la greffe, Anton fuyait les blouses blanches et le corps médical. Aujourd’hui, il semble avoir oublié», raconte Jeremy, le papa d’Anton qui échange quelques passes de ballon avec Mike dans le couloir de l’hôpital. Photo: Christophe Chammartin/Rezo

«Une greffe de foie n’est réalisée que si le risque de l’enfant de vivre avec son propre foie dépasse le risque de la transplantation et de ses suites. Quand on parle de greffe, c’est toujours le signe que le pronostic vital est engagé», décrypte la professeure Barbara Wildhaber, chirurgienne pédiatrique et coresponsable du Centre suisse des maladies du foie de l’enfant. Depuis 1989, plus de 150 enfants ont été transplantés du foie aux HUG, un succès pour plus de 90% d’entre eux, l’un des taux les plus élevés d’Europe. Chaque année, en Suisse, en moyenne 20 enfants sont greffés. «Comme il y a très peu d’enfants qui décèdent de mort cérébrale dans notre pays, nous devons souvent prendre une partie du foie d’un adulte ou d’un grand enfant, pour pouvoir le donner à un enfant. Dans ce cas, l’autre partie du foie du donneur peut être transplantée à un autre receveur.» Mike et Anton ont eu cette chance.

«Viens, le foie 
est magnifique!»

«On peut parler d’une forme de miracle, explique la professeure Barbara Wildhaber. Il faut que toute une constellation de signaux soit rassemblée pour que l’on puisse transplanter le même foie dans deux enfants. Ce n’est de loin pas une première, mais c’est toujours un procédé assez exceptionnel. En dix-huit ans, on a dû pouvoir réaliser ce split de foie à 58 reprises seulement.»

L’histoire ressemble à un conte de Noël. Durant les fêtes de fin d’année en 2015, les HUG reçoivent un appel de la coordinatrice nation ale de Swisstransplant. Un adolescent est en mort cérébrale depuis quarante-huit heures, quelque part en Suisse. Ses parents ont accepté que les organes de leur fils soient prélevés. Les reins, le pancréas, le foie, les poumons, le cœur, les cornées, l’intestin peuvent être prélevés et distribués auprès des personnes qui sont inscrites sur des listes d’attente nationales. «Quand on a pris conscience que ce foie pourrait être séparé en deux et donné à Anton et à Mike, parce qu’il avait la bonne taille, la bonne qualité, c’était un moment magnifique, mais le compte à rebours s’est aussi enclenché.» Une double greffe signifie doubler les équipes de soin: un défi logistique rendu encore plus exceptionnel par la période des Fêtes. «On a passé des heures au téléphone. On appelait les gens dans leurs familles, en vacances, au chalet, s’enthousiasme Barbara Wildhaber. Je me souviens qu’on leur disait: «C’est un foie magnifique, viens!» Et les gens sont revenus. Cette solidarité, cette bonne volonté de tout le monde, cela m’a beaucoup émue.»


Passionnés de sport et d’un naturel calme et optimiste, Mike et Remo sont très complices. Photo: Christophe Chammartin/Rezo

Un cadeau de Noël inespéré

Chez eux, à Neuchâtel et à Frauenfeld, les parents d’Anton et de Mike reçoivent le téléphone tant attendu. «Je ne crois pas qu’on aurait pu rêver d’un meilleur cadeau de Noël! Ce nouveau foie, c’était à la fois effrayant et un immense soulagement», s’émeut Emilie, la maman d’Anton. «Nous avions beaucoup discuté de la greffe, se souvient Mike. On espérait que cela arrive, même si cela ne voulait pas dire que je souhaitais que quelqu’un meure pour que j’aie une chance de vivre.» Mike rejoint Genève en hélicoptère. «Mon sac était prêt depuis longtemps. D’habitude, c’est mon papa qui m’accompagne, mais là, pour l’hélicoptère, je voulais ma maman.» Les deux équipes de transplantation rassemblées en urgence opèrent les deux enfants. «Ce n’est que dans la salle de réveil, explique la mère d’Anton, en les voyant côte à côte, qu’on a compris qu’Anton et Mike avaient été greffés avec le même foie.» «Pour moi, Anton, c’est comme un petit frère de sang, confie Mike, un rien gêné de montrer tant d’émotion. A Noël, j’ai écrit un message à son père. Quand il sera plus grand, j’aimerais bien qu’on reste en contact.»


Père et fils ont passé beaucoup de temps ensemble pendant la maladie d’Anton. Aujourd’hui, le petit est un enfant gourmand et plein de vie. Photo: Christophe Chammartin/Rezo

Depuis la greffe, les deux garçons ont repris le cours de leur vie. Ils ne reviennent à Genève que pour des contrôles médicaux. «C’est le jour et la nuit depuis l’opération! Anton a dû complètement apprendre à manger, il a beaucoup grandi, il joue et il est très vif! Il copie son frère et veut tout faire tout seul. Nous, on réapprend à vivre, à calmer nos angoisses.» Mike a pris plus de douze centimètres en une année. Avant la greffe, il avait beaucoup de peine à se concentrer, un effet lié à sa maladie. Aujourd’hui, c’est un bon élève qui se réjouit de commencer un apprentissage de carossier ou de logisticien. Bourreau des cœurs, il aimerait remercier tous les soignants qui se sont occupés de lui et la famille du donneur. «Ce foie, c’est comme une renaissance. J’en prendrai bien soin. Parfois, j’aimerais bien savoir à qui il appartenait. Quel genre de personne c’était, s’il aimait le hockey comme moi…» L’anonymat complet du donneur ne permettra jamais de le savoir. Mais la famille de Mike a écrit, par l’intermédiaire de Swisstransplant, aux proches du donneur. Les parents d’Anton le feront bientôt. Un mot anonyme pour dire merci. Et raconter, peut-être, que de cette tragédie est née une histoire magnifique. 

Don d’organes 
et transplantations: 
www.swisstransplant.org

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Une petite fille se lie d'amitié avec un robot

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Une petite fille se lie d'amitié avec un robot

Cette petite fille prénommée Rayna fait la rencontre d'un chauffe-eau qu'elle confond avec... un robot. L'enfant surprend même ses parents en prenant l'engin dans ses bras et en lui disant "Je t'aime, robot" . Une nouvelle amitié est née...

Amusant

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Les soeurs Bertholet au firmament

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Nicolas Righetti/Lundi 13
Samedi 25 mars à Genève, au Victoria Hall, Julie et Camille ont brillé dans le triple concerto de Beethoven avec Mélodie Zhao au piano et Antoine Marguier à la direction de l’Orchestre des Nations unies.
Rencontre

Aussi ravissantes que précoces, violoniste et violoncelliste, les duettistes d’origine jurassienne sont double disque d’or et numéro un des ventes depuis quinze mois. Rencontre chez elles, avec Monique, une maman très énergique.

Elles se sont imposées au public avec la même évidence que la musique s’est imposée à elles. Hautes comme trois pommes, Julie et Camille Berthollet maniaient déjà l’archet – violon et violoncelle – dans un environnement plus littéraire que mélomane. De passage chez elles, du côté d’Annecy (F), entre deux avions, deux galas, l’obtention d’un bachelor, Bruxelles pour l’une et Genève pour l’autre, les jeunes concertistes se sont retrouvées autour de la table de la cuisine à l’heure du goûter. Monique Berthollet-Montavon, la maman, pure Jurassienne, se souvient: «A 2 ans, Julie écoutait attentivement lorsque nous allumions la radio. Je l’ai mise à l’initiation musicale l’année suivante. Chaque semaine, elle rentrait en disant: «Tu n’as rien compris, je ne veux pas ça, je veux jouer du violon!» Très en avance sur son âge, habitée par la musique et l’envie de l’exprimer, elle a ouvert le bal musical familial. Camille, sa cadette – 1 an et demi les sépare – a suivi, non sans avoir à surmonter l’incrédulité. «Tu es bien sûre que tu ne veux pas te mettre au violon pour faire comme ta sœur?» Maman en aurait mis sa main à couper: la deuxième arrêterait au bout de cinq jours. Mais la réponse de l’enfant dissipa ses doutes: «Je veux jouer du violon et après du violoncelle», lança-t-elle du haut de ses 3 ans.


Dans la cuisine familiale, Monique, la maman, partage avec ses filles un copieux goûter. «On se retrouve toutes les trois, tous les quinze jours. Ici, à Paris ou ailleurs.» Photo: Nicolas Righetti/Lundi 13

Volontaires

Camille et Julie, concertistes demandées, sont double disque d’or et numéro un des ventes depuis quinze mois. Ces deux sœurs phénomènes pleines de joie de vivre sont en train de balayer tous les clichés du classique.

Aujourd’hui, elles ont 18 et 20 ans, sont complices et complémentaires. Julie, cheveu court et blond, plus réfléchie, soupèse chaque décision. Camille, rousse incendiaire, impulsive, laisse s’exprimer un tempérament où domine l’optimisme. Elles sont fraîches comme un printemps, fusionnelles, fonctionnent comme des jumelles et abordent la musique avec maturité mais sans le moindre ennui.

«Julie et Camille n’ont jamais joué faux. Je n’ai pas eu à subir leur apprentissage», confie Monique, mère pragmatique, intuitive et énergique. Ses filles ont fait leur éducation musicale dans la région où fut muté Henri, père et professeur au lycée technique. Pour elles, il a fallu trouver la perle rare capable de prendre en main ces petites élèves douées et volontaires. Maman, ancienne prof de sport, responsable de la destinée du club d’athlétisme de Delémont (JU), s’est heurtée à un cadre administratif rigide. A l’époque, le conservatoire l’invite à revenir lorsque sa fille aînée aura atteint 7 ans. «Julie me serinait depuis deux ans. Il fallait faire vite.» L’aînée renchérit: «J’étais tombée amoureuse du son et de l’objet.» On finit par dénicher la prof idéale. Après une demi-journée à peine d’un stage exploratoire de 48 heures, elle s’enthousiasma: «Je la garde!»

Camille et Julie sont-elles des prodiges? «Ce sont des enfants à haut potentiel», tempère leur mère. Dans la famille, l’expression «fastoche» est devenue un leitmotiv, tant les deux fillettes sautaient les étapes, demandant à exécuter des exercices toujours plus difficiles.


Julie et Camille sont tout aussi à l’aise avec Schubert, Paganini, Bach ou Dvorak qu’avec Michael Jackson, la musique tzigane ou l’air de «La liste de Schindler» du compositeur John Williams. Photo: Nicolas Righetti/Lundi 13

Médiatisées en un temps record, Julie et Camille n’ont donc rien de ces chérubins martyrs animés par l’ambition parentale. En marge de leur carrière, elles s’intéressent à la littérature, aiment autant reprendre des grands airs écrits pour le cinéma – elles voient un film par semaine – que les pièces musicales du grand répertoire. «Je dessine, j’écris, je vais au musée. Je souhaite goûter à la comédie. Faire autre chose, c’est aussi une façon de trouver l’inspiration musicale, des idées et de se connecter à des émotions que l’on souhaite transmettre en jouant», confie la plus grande. Des sentiments qu’elles font si bien passer qu’à Genève, samedi dernier, le régisseur du Victoria Hall était en larmes après la répétition générale alors qu’elles signaient des autographes aux membres de l’Orchestre des Nations unies.

Du classique à Jackson

Le premier grand coup de projecteur sur les Berthollet remonte à 2014 avec Camille. A 15 ans, elle remporte Prodiges sur France 2, un concours pour les 7 à 16 ans. Princesse à la chevelure flamboyante, habillée de rouge, elle a subjugué le jury, envoûté 4,5 millions de téléspectateurs avant de sortir un album très éclectique chez Warner Music, sans succomber au vertige. Elle joue du violon et du violoncelle, sa sœur du violon, de l’alto et du piano. A elles deux, elles ouvrent grandes les portes du classique aux non-initiés et s’adonnent volontiers au mélange des genres.

A la mi-octobre, l’an dernier, Julie et Camille ont offert au public un album en duo. «Un rêve à deux», disent-elles. Il s’est écoulé à 100 000 exemplaires en quelques semaines dans une industrie en crise.

Leur évolution progressive passe par une remise en question permanente, l’ouverture de la palette des possibles. «Nous devons prendre des risques, sortir des sentiers battus. Comme aborder le registre tzigane ou reprendre des airs de la chanson française.» Sur le piano du salon familial trône une partition de Michael Jackson. Camille: «Nous avons déjà interprété Thriller sur scène.» Aux Coups de cœur d’Alain Morisod, elles croisent le fils Dutronc, improvisent avec lui après l’émission. Et c’est ainsi que Thomas a accepté de jouer sur leur album.

Julie va plus loin. «J’ai commencé les cours de composition à 9 ans, puis l’harmonie et l’improvisation au piano. J’ai participé aux arrangements sur les deux disques: Summertime de Gershwin, Czardas de Vittorio Monti ou La vie en rose», des pièces qui ne sont pas écrites pour leurs instruments.


Si elles excellent en musique, Julie, 20 ans, et Camille, 18 ans, ont également pratiqué la danse classique pour la cadette et les échecs pour l’aînée. Cette dernière s’est hissée jusqu’aux Championnats de France. Photo: Nicolas Righetti/Lundi 13

Filles au firmament, les deux sœurs n’ont jamais perdu le nord. Lors de la signature de contrats, la commande de billets d’avion, la réservation de chambres d’hôtel spécifiées sans moquette à cause des allergies, maman veille au grain. «L’administratif, c’est pour moi.» Il y a parfois des hauts et des bas. Camille et Julie vivent loin du cocon familial. «On se parle quotidiennement. Je relativise avec elles. On se retrouve les trois tous les dix à quinze jours, à la maison, à Paris ou ailleurs.»Rien n’est jamais imposé. «A la fin de chaque année scolaire, je leur demandais ce qu’elles souhaitaient la suivante. Musique, danse classique ou moderne, judo ou jeu d’échecs, elles s’engageaient une année puis on remettait tout à plat.» Sa devise: «Vous êtes les moteurs de votre vie. Vous pouvez changer à tout moment.» Leur mère est aussi sophrologue et elle les aide à bien se nourrir, à se recentrer, à se détendre après des heures de travail souvent jusqu’à 1 heure du matin. Elles donnent 50 concerts par an.

Camille et Julie vivent avec leur temps. Elles aiment la mode – bottines colorées, jupes courtes et blousons –, le shopping, dépensent volontiers leurs cachets dans les boutiques. Elles bénéficient désormais du prêt de tenues griffées Sandro lors des galas. La ligne? Elles s’en fichent un peu, la nature est de leur côté. La première dévore des chouquettes tandis que sa sœur remonte de la cave un vacherin Mont-d’Or qu’elle attaque à la cuillère en gloussant.


Julie (à g.) a 7 ans et Camille 5 ans et demi. «C’était l’été. Elles donnaient un spectacle de théâtre en anglais et jouaient aussi de leur instrument», se souvient leur mère. Photo: DR

Mais à ce stade, malgré la médiatisation, une invitation du prince Albert de Monaco et de Caroline de Hanovre, une séquence dans l’émission Quotidien de Yann Barthès, un tournage pour M6, une chaîne japonaise ou hollandaise, un rendez-vous au micro d’Europe 1 ou à Paris Match, la musique ne les nourrit pas encore. Elles souhaitent bénéficier, grâce à un sponsor, une fondation ou un mécène, d’une somme leur permettant de jouer sur un instrument de prix, plus personnel, plus puissant. Les Stradivarius et Guarneri valent des millions.

Fou rire

Si Camille et Julie n’avouent aucun vice, elles ont tout de même un petit point faible. Les sœurs sont capables d’accès de fou rire en jouant. On rigole peu sur la scène classique. Mais, avec elles, on rit comme on vit, aux éclats.

 

Discographie: Camille a fait un premier CD en 2015. Les deux sœurs ont sorti un album de duos, fin 2016 (Warner).

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17 filles de stars qui assureront bientôt la relève

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C'est bien connu, les chats ne font pas des chiens. Quand ses parents sont acteurs, ou mannequin et acteur, dans une ville comme Los Angeles, il est finalement assez naturel que leur progéniture, qui a grandi à proximité d'Hollywood, rêve de s'y faire connaître. Dans cette galerie, nous nous sommes concentrés sur les "filles de". Nous consacrerons une autre liste aux beaux gosses, c'est promis!
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On commence avec Ava Philippe, 17 ans.
La toute jeune actrice Ava Philippe est la fille de l'actrice Reese Witherspoon et de l'acteur et producteur américain Ryan Philippe.
Ilona Smet, 21 ans.
Le mannequin Ilona Smet est la fille du top-modèle français Estelle Lefebure et du chanteur David Hallyday.
Hailie Scott, 21 ans.
Etudiante en psychologie à l'Université du Michigan, Hailie Scott est la fille du rappeur Eminem et de Kimberly Anne Scott, la première femme de ce dernier.
Ava Sambora, 19 ans.
Le jeune mannequin Ava Sambora est la fille de l'actrice Heather Locklear et du guitariste rock Richie Sambora.
Rainey Qualley, 27 ans.
L'actrice, mannequin et chanteuse Rainey Qualley est la fille de l'actrice Andie McDowell et du mannequin Paul Qualley.
Kaia Gerber, 15 ans.
Modèle débutante, la jeune Kaia Gerber est la fille du top-model Cindy Crawford et de l'entrepreneur américain Rande Gerber.
Sosie Bacon, 25 ans.
L'actrice Sosie Bacon est la fille de l'acteur Kevin Bacon et de l'actrice Kyra Sedgwick.
Corinne Bishop ou Corinne Foxx, 22 ans.
Elue Miss Golden Globes 2016, mannequin, Corinne Foxx (ou Corinne Bishop c'est selon) est la fille de l'acteur Jamie Foxx et de Connie Kline.
Lily-Rose Depp, 17 ans.
L'actrice et mannequin Lily-Rose Depp est la fille de la chanteuse française Vanessa Paradis et de l'acteur américain Johnny Depp.
Gia Mantegna, 26 ans.
L'actrice Gia Mantegna est la fille de l'acteur Joe Mantegna et de l'actrice Arlene Vrhel.
Shayne Murphy, 22 ans.
Véritable it-girl, pas vraiment encore décidée quant à son avenir professionnel, Shayne Murphy est la fille de l'acteur comique Eddie Murphy et du mannequin Nicole Murphy.
Lily Mo Sheen, 18 ans.
La toute jeune actrice Lily Mo Sheen est la fille de la sublime actrice Kate Beckinsale et de l'acteur britannique Michael Sheen.
Paris Jackson, 19 ans.
Peut-être la plus célèbre it-girl du moment à Los Angeles, incontournable et en même temps sans talent vraiment affirmé, Paris Jackson est la fille de feu le roi de la pop Michael Jackson et de l'infirmière Debbie Rowe.
Ireland Baldwin, 21 ans.
Modèle et actrice, humoriste également, Ireland Baldwin est la fille de l'acteur Alec Baldwin et de l'actrice Kim Basinger.
Willow Smith, 16 ans.
La chanteuse Willow Smith est la fille de l'acteur Will Smith et de l'actrice Jada Pinkett Smith.
Lourdes Maria Leon, 20 ans.
Jeune styliste et déjà égérie, Lourdes Maria Leon, surnommée Lola, est la fille de la chanteuse Madonna et du coach sportif Carlos Leon.
Dylan Penn, 25 ans.
L'actrice Dylan Penn est la fille de l'acteur Sean Penn et de l'actrice Robin Wright.
Hollywood
17 filles de stars qui assureront bientôt la relève

Laetitia Guarino, son chéri et son drôle de chat

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Geri Born/Schweizer Illustrierte
Stefano Iodice et Laetitia Guarino partagent un bel appartement typiquement lausannois, au centre-ville.
Vie de couple

Miss Suisse 2014 a emménagé à Lausanne, à deux pas du CHUV, avec Stefano Iodice, son compagnon, mais pas seulement... 

Si vous vous promenez dans le quartier de Mon-Repos, à Lausanne, vous avez une chance de tomber sur Laetitia Guarino. L’ancienne Miss Suisse, brillante étudiante en médecine, s’est installée dans un superbe appartement haussmannien avec son copain, Stefano Iodice. A quelques minutes à pied du CHUV, où Laetitia travaillera bientôt. Après sept ans de relation, le couple avait besoin d’un espace plus grand que son studio pour évoluer. «Sans chambre, ce n’était pas pratique. Et puis, je ne savais pas où ranger toutes mes chaussures!» confie Laetitia dans un éclat de rire. Ils partagent leur 2,5 pièces avec Eve, un petit rex fold. «Au début, on croyait que c’était un garçon, on l’avait appelé Don Pablo… Et puis au bout de six mois, j’ai découvert que c’était une femelle. Alors nous l’avons rebaptisée Eve!» Un chaton étonnant, au poil frisé et aux oreilles pliées, qui sait même faire ses besoins dans les WC! M. S.

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Brigitte Macron, un amour plus fort que le temps

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Dukas
Moment de détente pour Brigitte et Emmanuel Macron devant le Sacré-Cœur, en septembre 2016. Selon un ami, «Brigitte continue de s’émerveiller des lumières de Paris».
Portrait

Sera-t-elle bientôt la première dame de France? De vingt-quatre ans plus âgée que son mari, favori de la présidentielle, Brigitte Macron, 63 ans, raconte sa singulière histoire d’amour dans un livre. A travers elle, de nombreuses femmes se reconnaissent.

C’est une imposante école privée, fondée par les jésuites. Elle se nomme La Providence, mais tout le monde là-bas, à Amiens, en Picardie, préfère l’appeler La Pro. Avec de hauts bâtiments disposés en C, les enfants de bonne famille y grandissent droit depuis le milieu du XIXe siècle.
Sa salle de spectacle, où se donnent les cours de théâtre, est située au fond de la cour. En ce printemps 1993, sa responsable est une professeure de français et de latin du genre enthousiaste, amoureuse de littérature. Avec «sa manière d’être très apprêtée, qui tranchait avec le style des autres profs», note un élève, Mme Brigitte Auzière-Trogneux, c’est son nom, a trouvé une récréation dans une vie de province certes agréable, mais un brin monotone. Elle aime les débats, elle fait partager son bonheur de Voltaire ou de Baudelaire.
Parmi ses nouveaux élèves, l’un d’eux ne ressemble à personne. Emmanuel, 15 ans, est premier de classe partout. Il est rapide, talentueux. La fille de Mme Auzière-Trogneux, Laurence, qui se trouve dans la même classe et qui est née la même année que lui, en 1977, est revenue un jour en déclarant à sa mère: «Il y a un fou dans ma classe qui sait tout sur tout!» Elle parlait de lui, d’Emmanuel Macron: longs cheveux blonds, regard bleu acier, attitude conquérante.
Entre l’alerte quadragénaire, élevée chez les bonnes sœurs, et l’adolescent surdoué, le courant passe, à haut voltage. Ils parlent, ils entament une conversation qui dure encore, vingt-cinq ans plus tard. Ils échangent d’abord sur la future pièce, L’art de la comédie, à laquelle le jeune homme propose d’ajouter des rôles et qu’ils réécrivent en partie, à quatre mains. «Petit à petit, j’ai été subjuguée par son intelligence. Je n’en ai toujours pas mesuré le fond», avoue-t-elle.
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Entre Brigitte, la professeure de province née en 1953, et Emmanuel le surdoué de la politique né en 1977, le courant a passé immédiatement, jusqu’à tout bousculer dans leurs vies, malgré leurs âges respectifs. Photo: Getty Images

Prudence: de romance, il n’est pas encore question. Comment le pourrait-il? «Mme Auzière n’avait absolument pas le profil à déraper avec un élève. Il n’y a jamais eu la moindre ambiguïté», précise un autre ex-camarade. Tout fait obstacle: elle est une mère de trois enfants, dont la dernière est née en 1984, et une professeure adorée dans son lycée. Mariée à 20 ans, elle vient d’une famille estimée de la ville: dans l’artère piétonne principale, une enseigne signale que «depuis cinq générations, la maison Trogneux régale les Amiénois de délices chocolatés et sucrés». L’entreprise de confiserie-chocolaterie comporte sept points de vente, dont trois en ville d’Amiens. Le neveu de Brigitte, Jean-Alexandre Trogneux, est encore à leur tête aujourd’hui. Avec les… macarons pour spécialité.
Quant à Macron, il appartient à une famille de médecins, discrète. Son père est neurologue, sa mère médecin-conseil à la Sécurité sociale. Il lit Gide et Tournier, écoute plutôt Brel et Ferré que les Clash ou les Sex Pistols. C’est à l’école qu’il s’illustre. «Il discutait toujours avec les profs. Il avait plein de livres. Ce n’était pas un ado. Il avait un rapport d’égal à égal. Je ne l’ai jamais vu respecter l’échelle des âges», raconte Brigitte.
Ils sont si proches. Au lycée, leur histoire commence à faire jaser. Ils s’appellent sans cesse, on les aperçoit se balader le long des canaux. Comme on dit dans les romans de gare, leur attirance est irrésistible. Elle n’est pas évidente. En France, la majorité sexuelle est fixée à 18 ans dans le cas des personnes ayant autorité sur des mineurs. Mais Emmanuel est transporté. «Il a vu très vite. Il a vu qu’on avait de la chance», glisse-t-elle, non sans élégance. Il n’a pas 17 ans quand il se déclare. Stupeur. «Il était évident qu’il fallait qu’il parte, pour lui, pour moi», dit-elle. Sans doute apeurés, les parents de Macron l’envoient passer son année de terminale à Paris. Il s’y résigne, non sans glisser à sa professeure: «Vous ne vous débarrasserez pas de moi, je reviendrai et je vous épouserai!» Quelques centaines de kilomètres n’empêchent rien. Brigitte s’échappe dès qu’elle le peut, en semaine parfois. Et lui, chaque vendredi, reprend son train pour Amiens.
«Une femme libre et drôle»
Ainsi commence l’histoire que Brigitte Macron a accepté de raconter, vingt ans plus tard, à deux journalistes qui en ont fait un livre. C’est possible aujourd’hui: le tumulte qu’une telle idylle a pu créer dans un milieu aussi policé est aplani, la blonde solaire est devenue une personnalité reconnue dans la rue. Elle peut à peine prendre le métro, squatte les couvertures des magazines, invite toute l’intelligentsia parisienne dans leur bel appartement des quartiers chics de Paris.
Entre les lignes, les deux rédactrices ne cachent pas le plaisir qu’elles ont éprouvé à rencontrer cette femme «libre, franchement drôle, truffant ses phrases de termes anglais». A évoquer ses fines bottines vernies, qui mettent en valeur des jambes très minces. Son côté midinette, peu farouche, qui lui fait avouer, la soixantaine bien entamée, son faible pour «la masculinité à l’état brut» d’un Clint Eastwood.
Jusqu’aux lumières vives actuelles, tout n’a cependant pas été simple. «Ce fut un pur scandale dans la famille Trogneux», raconte un journaliste local. Il a fallu aux amants aux airs de Harold et Maude des trésors de patience pour que leur union soit acceptée. De partout, on a essayé de les raisonner. «Mes frères et mes sœurs ont essayé de tenir le rôle que mes parents, n’étant pas là, n’ont pas tenu», lâche-t-elle.
Mariage en grande pompe
Le duo n’a rien concédé. Jusqu’à se marier, un jour d’octobre 2007. Elle avait 54 ans, lui 30. «Emmanuel a dit: «On va faire taire les gens», sourit-elle. Ils ont choisi le lieu de villégiature de la bourgeoisie picarde, où ils possèdent une maison: Le Touquet. Ils ont vu grand. Le salon des mariages de l’hôtel de ville étant trop exigu pour leurs centaines d’invités, il fallut ouvrir la salle d’honneur. Elle portait une robe blanche aussi courte qu’à la ville, lui une cravate rose. A l’heure du discours, il sut trouver les mots pour dire leur amour, parlant de «quelque chose de pas tout à fait commun, d’un couple pas tout à fait normal, même si je n’aime pas cet adjectif, mais un couple qui existe». Dans son livre, Révolution, il évoque aussi «la consécration officielle d’un amour d’abord clandestin, souvent caché, incompris de beaucoup avant de s’imposer à eux».
Ce jour-là, il n’oublia pas de remercier les trois enfants de Brigitte. «Grâce à eux, cela a eu la force d’une évidence. Je veux vous remercier de nous avoir acceptés, de nous avoir aimés comme nous étions.» La cadette, Tiphaine, explique avec douceur le fonctionnement de cette paire qui s’est trouvée: «Je connais peu de couples aussi heureux. En tant qu’avocate, j’ai vu les difficultés qui pouvaient être celles des familles recomposées. Et je peux vous dire qu’ils ont fait les choses très intelligemment.» Ravi, un brin goguenard, Emmanuel se dit sept fois grand-père.
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Brigitte Macron, ici dans la tribune à l'occasion d'un meeting de son mari, épaule constamment son candidat de mari. Photo: Getty Images

Dans la fureur de la campagne présidentielle, Brigitte «Bibi» Macron tient la barre. Elle est indispensable, il la cherche partout. C’est une passerelle, une vie qui bouillonne, elle impose ses vues avec, écrivent les auteurs, une forme de «légèreté têtue». «Comme Emmanuel est quelqu’un de très pudique, Brigitte intervient parfois sur le mode «ce qu’il veut vous dire, mais ne vous dit pas vraiment, c’est cela», glisse l’ex-ministre de l’Agriculture François Patriat. Critique, elle n’hésite pas à reprendre de volée son tribun de mari. A lui asséner que son livre «lui tombe des mains». Ou à lui glisser qu’elle a trouvé un discours «assommant». A l’époque où Macron fut ministre de l’Intérieur à Bercy, elle fut une taulière extraordinaire. «Elle faisait la tournée des bureaux le matin, avait un mot pour chacun. Elle était assez maternante, s’enquérait de la santé des collaborateurs», se souvient un membre du cabinet.
Extravertie, elle aime inviter des personnalités du monde des arts, acteurs, chanteurs, écrivains. Ils défilent à raison de tablées de huit personnes, jamais davantage. Line Renaud, Michel Houellebecq, Pierre Arditi et son épouse Evelyne Bouix, Arielle Dombasle, Guillaume Gallienne, Fabrice Luchini font partie de leurs familiers. Elle aime assembler, présenter, avec une ingénuité qui séduit. «Je suis un peu une Mme Bovary…» susurre-t-elle à ses nouvelles conquêtes. Son ami écrivain Philippe Besson la décrit avec couleur: «Elle est pétrie de références littéraires, c’est un plaisir d’échanger avec elle. Elle n’a rien d’une blasée. Elle qui a vécu une grande partie de sa vie en Picardie continue de s’émerveiller des lumières de Paris. Elle a gardé sa capacité de surprise et cela la rend touchante.»
Cela dit, le temps passe, inexorable. Les années qui viennent creuseront l’écart entre le politicien vibrionnant et la professeure désormais à la retraite. Alors elle grimpe sur son vélo d’appartement, porte des t-shirts astucieusement ajustés et enfile des slims en cuir. Et elle puise dans le registre de l’humour: «Il faut qu’on se dépêche, car, dans quelques années, je ne sais pas quelle tête j’aurai!»
Leurs vacances se font à deux, en amoureux, à Biarritz, à La Mongie. Ils ont besoin d’être ensemble. Surtout, devant cette idylle, les femmes de partout répriment un secret sourire de revanche. Bien sûr qu’il est possible d’envoûter un homme plus jeune, et pour longtemps. 
 
«Les Macron», de Caroline Derrien et Candice Nedelec, Fayard, 225 p.

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L'album photo du mariage de Didier Cuche

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Fabienne Bühler
Lors d'une belle cérémonie empreinte de simplicité, le champion du monde de ski Didier Cuche, désormais à la retraite, a épousé sa compagne Manuela aux Grisons. Retour en images sur un mariage très réussi. C’est sur la terrasse du Berghotel Tgantieni, aménagée avec des bottes de paille, que Didier et Manuela ont uni leurs destins. Le pasteur zurichois Theo Haupt, ami de la mariée, les a bénis.
Fabienne Bühler
Le matin de la cérémonie, Didier Cuche se charge lui-même d’habiller son petit garçon de 16 mois.
Fabienne Bühler
«Je ne me suis pas ennuyé jusqu’à ce que les invités arrivent, souligne Didier Cuche. C’est très intense. Dans ces moments-là, le temps passe vite.»
Fabienne Bühler
Fabienne Bühler
Le petit Noé a été mis directement à contribution, puisque c'est lui qui apporté les alliances, comme un grand.
Fabienne Bühler
La robe blanche de Manuela vient d’une boutique zurichoise. Aidée par ses soeurs Cinzia et Doris, la jeune femme, qui s’est occupée de la décoration, se livre aux derniers préparatifs avant la cérémonie. Elle en a vu d’autres: elle a notamment travaillé une année et demie en tant que sauveteuse, à la Rega.
Fabienne Bühler
Le soir, les convives ont découvert un mot touchant des parents de Didier.
Fabienne Bühler
Les couverts étaient gravés en mémoire de l’événement.
Fabienne Bühler
Respectant la tradition, les époux Cuche, Manuela et Didier, ont ouvert le bal.
Fabienne Bühler
Didier Cuche est le cadet de trois garçons, Manuela est la deuxième de quatre soeurs. Amoureux comme au premier jour, ils ne souhaitent pas s’arrêter à un seul enfant.
Fabienne Bühler
La famille Cuche était présente au grand complet. De g. à dr.: Alain Cuche, frère de Didier, avec sa femme Sandra et leurs enfants Robin et Rémi; Bernard Cuche, frère de Didier, avec sa femme Silvana et leurs enfants Valentina (dans les bras de sa mère), Elisabeth (avec son grand-père) et Dario; en bas à dr. de la photo: les parents de Didier, Francis et Marlise.
Fabienne Bühler
Mariés civilement en 2015, Manuela et Didier tenaient à s’échanger leurs alliances, gravées à leurs prénoms, devant leurs familles et leurs proches.
Carnet rose
L'album photo du mariage de Didier Cuche

Béatrice Métraux: "Les Vaudois ont une fibre écologiste"

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Julie de Tribolet
La ministre et son beau-père, Willy Métraux, 94 ans, lors de l’inspection des ruches. «Ma bellefamille m’a accueillie avec beaucoup de chaleur et m’a fait aimer ce canton.»
Portrait

Après les Fribourgeois, les Valaisans et les Neuchâtelois, c’est au tour des Vaudois d’élire leur gouvernement. Six des sept sortants se représentent, dont la conseillère d’Etat verte. Portrait d’une Franco-Suisse au parcours africain.

Elle est la moins connue des six ministres (sur sept) qui briguent un nouveau mandat au Conseil d’Etat vaudois. Dommage, car sa biographie, contrairement à celles, généralement convenues, voire plan-plan, de la plupart des élus suisses de ce niveau, est d’une richesse humaine et géographique peu commune.
Embarquement…
La vie de Béatrice Métraux commence en août 1955. Et, dès sa naissance, ça déménage: «J’ai failli voir le jour sur la barque qui m’amenait à la clinique depuis l’île aux Oiseaux, dans le bassin d’Arcachon, une île où ma famille possédait une maison de vacances», confie-t-elle en riant. Sixième et dernier enfant d’une mère infirmière et d’un père technicien en radiologie, la petite Française va pourtant grandir loin de la douceur océanique de son lieu de naissance girondin. Ses parents s’installent en effet près de la mer du Nord, à Roubaix, là où il y avait du travail après la guerre. Une guerre qui a par ailleurs marqué au fer rouge sa famille: son grand-père maternel, arrêté par l’occupant allemand, est mort dans un camp de concentration pour faits de résistance.
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La petite Béatrice (au premier plan) avec sa mère et ses cinq frères et soeurs à Paris, en 1960. Photo: DR

Mais l’Allemagne n’est pas qu’un pays synonyme de drame pour la ministre vaudoise: c’est dans ce pays que la jeune Française fait la connaissance de son futur mari suisse. Les jeunes gens se rencontrent dans une institution pour handicapés où ils travaillent, elle pour le service civil international, lui pour gagner quelques sous et améliorer son allemand pour ses études d’ingénieur forestier à l’EPFZ. «Le moment le plus fort de ma vie? Puisqu’il ne faut en citer qu’un, c’est la rencontre avec cet homme, qui avait les cheveux longs à l’époque. Un véritable coup de foudre.» Quarante ans et trois fils plus tard, ils forment toujours un couple soudé basé à Bottens, dans le Gros-de-Vaud.
Comment la Française plutôt citadine s’est-elle si bien acclimatée à la campagne vaudoise au point de devenir municipale, puis syndique de son village tout en devenant députée, puis de conquérir le gouvernement cantonal? «Si j’adore Bottens, la région du Gros-de-Vaud et ce canton, c’est grâce à l’accueil chaleureux que m’a réservé ma belle-famille.» C’est donc assez naturellement que la candidate à sa propre succession propose à L’illustré une séance photo à Fey, à la ferme d’En Bétaz des Métraux, où son beau-père Willy, 94 ans, vérifiait ce jour-là si les colonies d’abeilles de son rucher construit par son propre père il y a un siècle avaient bien passé l’hiver. Adrien, 29 ans, le deuxième fils de Béatrice Métraux, diplômé de la Haute école de science agronomique de Zollikofen, travaille ici aux côtés de son oncle Philippe. 
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Prestation de serment à la Cour suprême de Dakar en 1981 pour Béatrice Métraux. Photo: DR

Le jeune paysan souhaiterait reprendre la ferme et perpétuer, en les affinant, les méthodes respectueuses de la nature qui sont la règle ici, tant pour la culture des pommes de terre que pour la production de lait de fromagerie et l’apiculture.
Dans cette belle campagne, l’accent vaudois résonne sans complexe. La conseillère d’Etat s’est là aussi bien acclimatée à ce terroir linguistique: «Plutôt que l’accent, ce sont surtout les termes régionaux qui me décontenançaient au début. Quand on disait d’aller appondre le char, je ne comprenais pas qu’il s’agissait d’atteler la remorque au tracteur. Et quand ma belle-mère disait «Il est l’heure que j’aille me réduire», je me demandais carrément ce qui était en train de se passer.» Mais aujourd’hui, les poutzer, chenoille et autres topio n’ont plus de secret pour elle.
Les années africaines
Mais revenons au parcours de la juriste et de son homme des bois, avec lequel elle se mariera en 1983. Le couple part en 1979 au Sénégal, plus exactement en Casamance, où l’ingénieur forestier effectue un mandat de la coopération suisse au développement dans une école d’agents techniques forestiers. Allergique à l’oisiveté, la jeune blonde commence un stage d’avocate dans ce pays d’Afrique de l’Ouest. Cette première expérience africaine dure deux ans. Elle se remet ensuite aux études à Lausanne, obtient une licence de droit suisse et travaille à l’Office fédéral des réfugiés où elle s’occupe des requérants en provenance d’Afrique. Puis elle œuvre à l’Institut suisse de droit comparé tout en trouvant le temps de donner naissance à trois garçons.
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Courte audience avec le pape François. Un moment fort pour Béatrice Métraux, catholique pratiquante. Photo: DR

Et c’est donc à cinq que les Métraux repartent en Afrique, au Mali cette fois, de 1996 à 1999. Monsieur est responsable d’un projet de décentralisation forestière tandis que Madame travaille pour les ambassades suisse et française, ainsi que pour la Cour constitutionnelle. Mais elle effectue aussi trois missions au Rwanda entre 1995 et 1996 pour aider à remettre en marche ce qu’il restait d’organisation judiciaire dans ce pays exsangue, deux ans après le génocide. «Des souvenirs très marquants, ces missions, avec parfois des coups de feu en pleine discussion.»
Les trois fils Métraux sont scolarisés au lycée français de Bamako. «La vie était parfois assez spartiate, avec des pénuries d’eau et des pannes d’électricité, des nuits caniculaires. Mais ces années ont été tellement riches… Et les Maliens de notre quartier nous ont si bien intégrés que près de vingt plus tard nous avons gardé le contact avec ces anciens voisins. Ce peuple est d’une grande profondeur, respectueux et ouvert.»
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Béatrice Métraux avec ses deux aînés durant les trois années passées au Mali. Photo: DR

Comment cette femme énergique, jugée trop directe par certains, s’est-elle accommodée du tempo de l’Afrique noire? «On prend du recul, on s’adapte. La première fois à la banque, ça vous agace d’attendre des heures. La deuxième fois, on espère que ça ira plus vite et la troisième, vous avez compris qu’il faut vous organiser. C’est une autre philosophie de vie, un autre rythme, mais qui n’empêche pas l’Etat de se construire et les citoyens de travailler.»
La famille en profite aussi pour découvrir ce continent: Guinée-Conakry, Côte d’Ivoire, Burkina Faso… «Cela a ouvert de grands et beaux horizons à nos enfants.»
C’est au retour en Suisse que cette ancienne opposante à la centrale nucléaire de Gravelines, ébranlée également par le spectacle de la désertification dans le Sahel, décide d’entrer dans l’arène politique: «Je voulais m’engager pour la communauté et il était clair que ce serait chez les Verts. Ma belle-famille, paysans écologistes avant l’heure, m’a aussi influencée.» Et la voici, à plus de 47 ans, chargée de l’épuration, de la construction et des écoles du village de Bottens.
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Trois générations de Métraux, mais un même respect de la nature chez le patriarche, la ministre et Adrien, 29 ans, le futur patron du domaine. Photo: Julie de Tribolet

D’outsider des Verts vaudois, elle en devient vite une locomotive, remporte l’élection partielle de 2011 (pour remplacer le défunt UDC Jean-Claude Mermoud) et se fait réélire six mois plus tard.
Réussira-t-elle à maintenir cette présence écologiste vieille déjà de vingt-deux ans? «Avec 13% de représentation au Grand Conseil, ce parti peut y prétendre. Mais surtout les Vaudois démontrent dans les votations un fort attachement à la protection de la nature et un grand intérêt pour le développement durable. Il est donc important de pouvoir représenter et défendre vraiment ces valeurs», dit-elle comme pour se rassurer.
Pour cette femme qui ne supporte pas le travail fait à moitié, pour cette juriste ayant horreur du vide juridique, il serait infernal de ne pas mener à bien sa réforme des tutelles et curatelles, sa politique pénitentiaire, celle en matière de logement ou encore son règlement sur la reconnaissance des communautés religieuses qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive. A 61 ans, cette stakhanoviste en reprendrait bien encore pour cinq ans.

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"En Suisse, on s’occupe mieux des prisonniers que des victimes"

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Julie de Tribolet
Même si Henriette Mischler a fait le deuil et s’est efforcée d’aller de l’avant, elle pense tous les jours à sa fi lle Nathalie, tuée par son ex-mari il y a neuf ans.
Société

Alors que le meurtrier de sa fille s’apprête à retrouver la liberté et exerce au CHUV comme médecin visiteur, Henriette Mischler prend la parole pour la première fois. Elle raconte les mois de survie après le drame et dénonce le sort des victimes laissées pour compte.

Une grande colère et une profonde tristesse. Assise à la table de son vaste salon-salle à manger, dans sa maison de Fenin, joli village du canton de Neuchâtel, Henriette Mischler raconte les sentiments qui l’habitent depuis des années. Depuis ce funeste 6 janvier 2008, date à laquelle sa vie «s’est arrêtée un instant pour connaître, par la suite, l’horreur et le désespoir».
Si Henriette Mischler souhaite témoigner pour la première fois, neuf ans après le meurtre de sa fille Nathalie, c’est pour raconter le long chemin parcouru et dénoncer les difficultés et les complications auxquelles sont confrontées les victimes. «Le deuil, c’est une chose mais, le pire, c’est le jugement de l’assassin et les manquements de la LAVI (ndlr: loi fédérale sur l’aide aux victimes d’infractions). Etre enfoncé quand vous survivez et être confronté à des gens qui devraient vous aider et ne vous aident pas, c’est dur.»
Quatre vies anéanties
Il est 20 h 48 ce dimanche de janvier 2008 lorsque le téléphone sonne. La voisine de sa fille Nathalie, alors âgée de 39 ans, lui demande de venir immédiatement à La Chaux-de-Fonds. Elle lui passe encore l’aînée de ses petites-filles. Agée de 9 ans, l’enfant crie dans le combiné: «Papa a tiré sur maman!» «Tout a été anéanti, arrêté d’un coup de pistolet», écrit Henriette Mischler dans le journal qu’elle a tenu durant six ans après l’assassinat de sa fille. Dormant dans leur chambre, les fillettes en sortiront l’une en entendant les cris de sa maman et l’autre après avoir été réveillée par un coup de feu. Toutes deux verront leur mère abattue d’une balle de pistolet militaire, couchée sur le tapis du salon, du sang sortant de son cou. Le couple était divorcé et Nathalie avait invité son ex-mari, Marcel Nicolet, un gastroentérologue de 52 ans souffrant de problèmes de boulimie, à partager le repas du soir, alors qu’il était venu lui ramener les deux fillettes à l’issue de son week-end avec elles.
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Au lendemain du dimanche 6 janvier 2008, la tragédie fait la une de la presse romande.

Leur grand-maman, une septuagénaire au caractère bien trempé, n’est pas le genre de femme à s’épancher et à faire dans le sentimentalisme. Sobre, elle commente: «Même si on fait le deuil et que l’on va de l’avant, les événements du 6 janvier remontent parfois et on les revit, comme si c’était hier. La douleur ne part pas.» A la lecture de son journal, on mesure aujourd’hui le chemin parcouru et les souffrances endurées. Elle y décrit ces premiers jours passés à rendre visite à Nathalie, à la morgue, avec ses petites-filles pour lui dire combien elles l’aimaient et combien elle leur manquait. «Parfois, nous lui lisions des cartes et des lettres reçues, ces messages pleins de marques d’estime pour elle et pleins de mots de consolation pour nous. Les filles savaient que c’était fini, que leur mère ne reviendrait plus, pas plus que leur père. Il a fallu s’en accommoder. J’avais moi-même une relation magnifique avec ma fille.»
Survivre au pire
Elle raconte ces premières semaines à essayer de survivre tout en prenant soin de deux fillettes privées de leur maman adorée et ces nuits passées à entendre deux enfants de 7 et 10 ans hurler, pleurer dans leur sommeil et appeler «Maman». Elle évoque également les premiers mois passés à trouver un semblant d’équilibre grâce, notamment, aux séances avec une psychologue – dont moins d’une dizaine payées par la LAVI –, à des massages et à de la réflexologie. Elle qui travaille alors à plein temps dans une compagnie d’assurances – le même employeur que celui de sa fille – réduit son horaire de travail à 80% pour pouvoir mieux s’occuper des deux fillettes, avant de prendre une retraite anticipée. C’est d’ailleurs son employeur qui lui accordera un prêt, sans intérêts, pour faire face aux premières factures, car le père ne paie pas les pensions qu’il doit ou alors irrégulièrement.
Victimes délaissées
Dans ce journal d’une cinquantaine de pages, on découvre tout un pan de la réalité des victimes après le drame. La grande tache de sang, celle de son propre enfant qui marque le sol du salon et qu’elle découvre lorsqu’elle doit vider l’appartement de sa fille. Le quotidien à organiser pour deux fillettes. La vie qui doit reprendre son cours malgré l’horreur de la situation et le manque, insupportable, de l’être aimé, mais également le long combat administratif que doivent mener beaucoup de victimes, comme le confirme Carlo Häfeli, avocat et président de Weisser Ring. Cette association, dont le siège suisse est à Zurich, s’occupe d’aider les victimes d’infractions, spécialement dans leurs rapports avec les autorités, des contacts qui ne se passent pas toujours bien, notamment à cause du manque de formation de certains fonctionnaires. «Beaucoup de victimes doivent faire face à une avalanche de formulaires compliqués à remplir. Elles doivent également attendre deux à trois ans avant de recevoir l’argent auquel elles ont droit. En dix ans, je n’ai connu que trois cas de personnes qui ont été aidées financièrement avant la procédure pénale. Du point de vue politique, les victimes ne sont pas très intéressantes; elles n’ont pas de lobby.»
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Henriette Mischler aime porter la veste de sa fille. Elle se ressource souvent dans la nature en compagnie du chien de la famille, Atos. Roxy, le chat, qui a été adopté plus tard, les suit régulièrement. Photo: Julie de Tribolet

L’homme de loi zurichois dénonce également le fait que tout est organisé pour le criminel, de son assistance juridique à sa resocialisation en passant par l’assistant social, le médecin et le psychologue alors que les victimes, elles, doivent prendre les choses en main. «Quelles sommes la société dépense-t-elle pour les criminels et quelles sommes pour les victimes? Personne ne peut donner de chiffres.»
Profond sentiment d’injustice
Henriette Mischler parle du sentiment d’injustice qui l’habite. «Contrairement aux prisonniers qui ont droit à des ateliers d’écriture, de peinture ou de théâtre, il n’existe aucune structure ou organisation qui offre de telles activités aux victimes. On n’a reçu aucune proposition. On se sent délaissés et démunis, laissés à notre sort.» Et que dire des études à distance qu’a pu faire l’ex-mari de sa fille, qui a obtenu un bachelor en sciences économiques, de même qu’une licence en mathématiques, des études payées pour moitié par le service pénitentiaire? «L’Etat sera-t-il d’accord de financer la moitié des études de mes petites-filles?»
La Neuchâteloise énumère les dysfonctionnements qu’elle a observés et contre lesquels elle a lutté à la suite de la nomination d’un curateur pour administrer les comptes de ses petites-filles, âgées actuellement de 16 et 19 ans. «Cela a coûté 50 000 francs en tout, 50 000 francs pour faire en partie de la «gogne», du travail mal fait, comme on dit chez nous.» C’est une grand-maman en colère, qui a suivi le «dossier», qui parle. Elle regrette le manque de communication et de collaboration entre tous les intervenants, dont la partie adverse qui n’a pas cessé de tirer la couverture à elle. «L’avocat du meurtrier de ma fille a pu vendre le cabinet médical en catimini sans devoir nous rendre de comptes.»
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C’est Nathalie qui avait ramené ce petit tableau à sa maman d’un voyage d’études en France. Elle avait alors 17 ans. Ce cadeau avait beaucoup touché Henriette Mischler, qui l’a toujours gardé précieusement. Photo: Julie de Tribolet

Mais ce qui reste en travers de la gorge d’Henriette Mischler, c’est surtout la facture reçue voici quelques mois, soit celle de l’enterrement de sa fille – 20 000 francs – que la LAVI du canton de Neuchâtel refuse de prendre en charge. «Mes petites-filles, à qui leur père a cédé, en 2015, pour solde de tout compte, une vieille maison locative à La Chaux-de-Fonds, dont les trois loyers servent à payer les pensions alimentaires qu’il leur doit, sont considérées comme trop «riches».» La LAVI aurait dû réclamer cette somme au meurtrier, mais elle ne l’a pas fait. «Et maintenant, elle se retourne contre mes petites-filles. C’est scandaleux et injuste. Cette affaire était exceptionnelle et demandait des mesures exceptionnelles. Ce qui n’a pas été le cas. Les autorités et les services administratifs n’ont pas été à la hauteur.»
Le curateur, Werner Gautschi, avocat et notaire à La Chaux-de-Fonds, partage l’indignation d’Henriette Mischler concernant la facture de l’enterrement. «Nous avons affaire à des «peignettes» (ndlr: radins), des juristes sans cœur qui essaient de faire rentrer tout l’argent qu’ils peuvent dans les caisses de l’Etat. C’est répugnant.» Son regard sur la LAVI? «La loi sur l’aide aux victimes d’infractions est une loi fédérale mise en œuvre et appliquée par les cantons. Et le canton de Neuchâtel, problèmes budgétaires obligent, brille par sa parcimonie dans son application. Le problème, c’est que si les victimes n’appartiennent pas à une catégorie sociale précaire, qui vit avec le minimum vital, elles ne sont pas aidées financièrement. Les filles Nicolet sont des victimes. La société aurait dû mettre à leur disposition des moyens pour encaisser le coup, s’adapter, digérer ce qui leur est arrivé et se reconstruire. Et elle ne l’a pas fait. On est dans une situation choquante au niveau de la LAVI. On leur a dit: «Vous disposez de moyens suffisants pour vous débrouiller seules.»
 
Texte: Sabine Pirolt

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Agnès Wuthrich: "Mon mari vit désormais à travers nos enfants"

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Nicolas Righetti/Lundi 13
Agnès Wuthrich, ici à Versoix, où elle habite. La journaliste a accepté de témoigner après le décès de son mari. «C’est dans mon caractère que de chercher à positiver.»
Témoignage

Visage familier du TJ de midi, mère de famille, la journaliste vient de perdre celui avec lequel elle a vécu dix-sept ans. Un drame qu’elle surmonte avec un courage impressionnant.

Son regard franc, son visage paisible ne trahissent ni les larmes, ni les tourments, ni le deuil d’Agnès Wuthrich. La journaliste vedette du TJ de midi vient pourtant de perdre son mari dans des circonstances dramatiques. Boris, 48 ans, est décédé subitement d’une embolie pulmonaire consécutive à une maladie génétique du sang. Ce mal a mobilisé, en Suisse et ailleurs, le corps médical autour de son cas. Agnès, 41 ans, s’occupe seule désormais de leurs deux enfants. Une fille et un garçon de 11 et 5 ans. Elle a accepté de témoigner après cette épreuve endurée avec lucidité et courage. Son récit met de la lumière là où le destin a soudainement tiré la vie vers l’obscurité.
Dans quelles circonstances avez-vous rencontré votre futur mari? 
C’était le 9 août 1999. Il était originaire de Sierra Leone (ndlr: et le petit-fils de Siaka Stevens, président de ce pays d’Afrique de l’Ouest). Boris était venu témoigner à la Radio romande. J’étais alors journaliste au Temps à Genève. Nous nous sommes rencontrés à travers un ami commun qui avait une petite idée derrière la tête nous concernant. Nous avons dîné les trois. J’habitais Lausanne, lui Versoix. Le 4 septembre, jour de mon anniversaire, nous avons démarré notre relation. Nous avons emménagé en 2002. Nous nous sommes mariés en 2005.
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«Mon mari a dit à notre fille aînée: «Il faut que tu montres l’exemple à ton frère, que tu sois grande…» confie Agnès Wuthrich. Photo: Nicolas Righetti/Lundi13

Vous avez eu deux enfants.
L’aînée, K’tusha, en janvier 2006 et son frère, Taio, en mai 2012. Leurs prénoms signifient «la joie» en somalien et en ougandais.
Quel homme était Boris?
Il était massif, ceinture noire de judo, 3e dan. Son physique hors norme lui a sans doute permis de résister à la maladie pendant huit semaines. C’était un père très présent. «Un mâle alpha», disait l’une de ses sœurs. Il était l’aîné d’une fratrie de cinq et tenait le rôle du père aux côtés de sa mère.
Aucun signe ne vous a jamais inquiétée à propos de sa santé?
Au moment d’arrêter de fumer, en 2012, il s’est mis à tousser beaucoup pendant quelques semaines. Il lui arrivait parfois de perdre connaissance deux à trois secondes, ses yeux partaient en arrière. Je pensais que c’était un malaise vagal. Il faisait vraisemblablement des malaises cardiaques. Il souffrait, sans le savoir, de problèmes de coagulation du sang. Une maladie génétique qui n’a toujours pas été clairement identifiée. Il avait développé une énorme thrombose (ndlr: un caillot) à la jambe. Nous, nous lui faisions remarquer qu’il boitait. Lui ne s’en préoccupait pas, ne montrait rien. Il était ainsi.
Votre couple était solide. Vous vous étiez trouvés.
Oui, vraiment. C’était un homme extrêmement généreux, passionné, fondamentalement humain, très attentif aux autres. Il était capable de m’offrir mon cadeau d’anniversaire à Noël parce qu’il voulait être sûr d’avoir fait le bon choix. Il ne m’a jamais imposé son fonctionnement ou ses envies. C’était l’une des clés de la réussite de notre couple.
Quel était son parcours?
Il est né à Moscou, où ses parents ont émigré pendant la guerre froide. L’ex-URSS offrait alors des bourses d’études aux jeunes Africains. Il a été le premier bébé noir de la maternité, d’où son prénom. Boris a ensuite vécu à Londres, puis à Freetown, capitale de la Sierra Leone, et à Genève. Il était ingénieur en microtechnique à l’EPFL et docteur en robotique.
Vous souvenez-vous des premiers signes inquiétants?
Une fatigue inhabituelle. Il rentrait de Sierra Leone et nous sommes partis en vacances en Italie, fin juillet. Il avait des problèmes respiratoires, des essoufflements. Il a eu une pneumonie, soignée avec des antibiotiques. Généralement, après deux jours au lit, ça passait. Dans la nuit du 16 au 17 octobre, Boris s’est évanoui dans la salle de bains. Je l’ai emmené aux HUG. Je l’aidais à s’habiller. Il était totalement épuisé. En fait, on l’a su plus tard, le sang ne circulait presque plus. A l’hôpital, il a été pris en charge avec une suspicion d’embolie. Des urgences, il a été placé aux soins intensifs jusqu’au début de novembre. Une équipe extraordinaire et son numéro deux, le Dr Raphaël Giraud, l’entouraient. J’ai aussitôt cessé de travailler. Je ne suis revenue au TJ qu’au début de janvier.
Qu’ont découvert les médecins?
Son cœur déformé par l’effort. Il a été mis sous circulation sanguine externe, branché à une machine, l’Ecmo (oxygénation par membrane extra-corporelle). Boris ne la quittera plus. Elle était reliée à une artère et à une veine, un tuyau de chaque côté des jambes.
A Genève, les médecins contactent alors Zurich.
Les médicaments ne faisaient pas l’effet escompté et le 2 novembre il a été héliporté. Les spécialistes se sont réunis et la doctoresse Isabelle Schmitt-Opitz, une pointure, a été d’accord de l’opérer. Il y avait un gros risque. L’intervention effectuée le 7 novembre a duré dix heures. Son cœur était arrêté et son corps maintenu à basse température afin de ne pas endommager les organes. En ouvrant les deux poumons pour les nettoyer, ils ont extrait d’anciens caillots de sang détectés au scanner. Les premières 48 heures, les médecins étaient très inquiets. Cependant, il y a eu une lueur d’espoir. Le cœur allait mieux. Mais, de façon incompréhensible, deux semaines après, Boris a refait une thrombose. C’est du jamais vu selon les praticiens.
Il existe de puissants traitements anticoagulants.
Malgré les doses massives, il ne se passait rien. L’héparine, plus légère, a fait effet. L’un des poumons a cessé de fonctionner. Cela semblait sans espoir. Soudain, comme dans un film, les choses se sont améliorées. Boris avait perdu du poids, il était faible. L’hôpital a contacté un spécialiste à Seattle (ndlr: dans l’Etat de Washington). Une réunion a même été organisée autour de son cas. La mobilisation médicale était hallucinante de bout en bout alors qu’il était à l’assurance de base. Le personnel hospitalier a ressenti le lien qui nous unissait. Toute sa famille était au chevet de cet homme, père de deux jeunes enfants.
Votre mari n’était plus conscient le dernier mois après l’opération.
Lorsque les médecins baissaient les doses de sédatif, il exprimait une douleur. Il était dans le brouillard. On nous a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il ne passerait peut-être pas les prochaines heures. Nous nous sommes dit au revoir plusieurs fois. Cela nous a permis de partager des choses essentielles. Boris faisait mine de gérer. Il disait qu’il allait revenir. Il est décédé le 6 décembre d’une infection.
Comment organisiez-vous votre vie de mère de famille?
Dès le moment où il a été inconscient et que son état s’est stabilisé, je ne dormais plus à Zurich. Je rentrais à Versoix auprès de mes enfants et faisais les allers-retours. Une solidarité s’est créée instantanément dès le premier jour de son hospitalisation. Avec quelques amies, nous sommes huit, nous partageons un groupe sur WhatsApp. Elles se sont coordonnées afin que les petits soient pris en charge.
Quelle a été leur réaction?
Ils n’ont pas revu leur père dans le coma. Ils gardent de lui l’image qu’il voulait donner: quelqu’un qui n’était pas dans un état de faiblesse. Il a dit à K’tusha: «Il faut que tu montres l’exemple à ton frère. Il faut que tu sois grande.» Elle ressemble à son père. Elle est pudique, elle me protège. Aux obsèques, mon fils était plus ému par les gens qui pleuraient que par ce qui se passait. Il dit parfois: «C’est dommage que daddy ne soit pas là…»
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«Boris et moi avons vécu dix-sept ans ensemble. C’était un père génial. Je sais qu’il est toujours avec nous. Je sens sa force.» Photo: Nicolas Righetti/Lundi 13

Qu’avez-vous dit à l’aînée?
Perdre son père si jeune n’est pas dans l’ordre des choses. Ce qui est arrivé est injuste, ma fille a été dans la révolte. «Maintenant, lui ai-je dit, qu’est-ce qu’on fait? On se pose en victime, on attend que la vie passe en restant assis au bord de la route ou on décide de ce que l’on en fait?» On positive, on se dit qu’on a eu la chance d’avoir eu un père génial. On est fier de lui. C’est dans mon caractère de chercher à positiver.
La phase administrative n’a pas été aussi exemplaire que l’élan médical.
On ne sait pas par où commencer. On fait tout soi-même. J’ai reçu une seule lettre me parlant de succession, de dettes. Pour la rente orphelin, encore faut-il savoir que cela existe, vous devez aller chercher le formulaire. Cerise sur le gâteau, l’annulation de l’abonnement internet de mon mari et la préposée qui me répond au téléphone: «C’est à lui de l’annuler.» On explique qu’il est décédé, que l’on n’a pas ses codes d’accès. Elle vous dit: «Mais votre décédé là…» (Elle sourit.)
En vous écoutant, rien ne transparaît de votre tristesse. D’où puisez-vous cette force?
J’ai perdu mes parents coup sur coup à 21 et 22 ans. Ma mère d’un cancer, mon père d’un AVC. L’enfance s’est terminée à ce moment-là. J’ai fait une dépression. Cette fois, la progression de la maladie n’a pas eu la brutalité du choc vécu initialement. L’idée a fait son chemin, en quelque sorte. C’est un deuil en pente douce.
Vous arrivez à penser à vous?
Il le faut afin de pouvoir m’occuper de mes enfants. J’organise des espaces. Je vais courir, je parle à des amis. Parfois, je m’écroule et je pleure. Je sais que c’est normal. Je suis très triste, démunie, je me laisse aller et cela me soulage.
Vous avez couru dimanche le marathon de paris?
Oui. Mais j’ai pris la décision de m’arrêter après 21 km. Ma préparation était trop juste, la météo – une très grosse chaleur – extrême. J’ai réalisé que ma perspective avait changé: seule avec mes enfants, je ne peux me mettre en danger de manière inconsidérée... Cette course était un peu prématurée, compte tenu des circonstances et de tout ce que j’ai eu à gérer ces dernières semaines. Il y en aura d’autres. 
Votre regard est tourné vers l’avenir.
K’tusha a glissé dans le cercueil de son père un lion en peluche. C’était son signe du zodiaque, Sierra Leone signifie «la montagne du lion». Elle a ajouté un mot: «Pour que même au paradis tu sois le plus fort». J’ai eu la chance de vivre dix-sept ans à ses côtés. Je sens sa force. Il a laissé quelque chose de durable. Il vit à travers nos enfants.

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Quelqu'un a-t-il vu la mère de Marco?

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Didier Martenet/L'illustré
Marco Hauenstein, 19 ans, est parti à la recherche de sa mère biologique, Gina Hauenstein, dont il porte le portrait. Il est ici photographié au Letten à Zurich, une des scènes ouvertes de la drogue jusqu’en 1995, que sa mère toxicomane devait fréquenter.
Recherche

Un jeune Argovien s’est lancé à la recherche de sa 
mère biologique, disparue depuis février 2000. 
Même si la police la croit morte, il ne perd pas espoir.

Au téléphone, la voix est claire et précise. A la gare de Zurich, où il nous a donné rendez-vous, on le reconnaît sans peine: cheveux laqués bien tirés, mise soignée. Tout de suite, le ton est donné: «Allons vers le Platzspitz, c’est juste là, derrière la gare. Ou un tout petit peu plus loin, au Letten. Je pense que ma mère, lorsqu’elle était à Zurich, devait fréquenter ces endroits, les fameuses scènes ouvertes de la drogue à la fin des années 1980 et jusqu’en 1995. A l’époque de ma naissance, elle était depuis plusieurs années sévèrement accro à l’héroïne… A tel point que quand je suis né, on a dû me sevrer pendant quelques mois. Le médecin a dit à l’époque que c’était le pire cas de syndrome de manque chez un nouveau-né qu’il voyait.» Même si son histoire, bouleversante, a quasiment fait le tour du monde, l’émotion est palpable quand il en trace ainsi les premières lignes.


Marco sait très peu de choses sur sa mère. Placé tout petit en famille d’accueil, il ne sait pas qui est son père. Photo: Didier Martenet

Tout a commencé en janvier 2017, lorsque ce jeune Argovien d’à peine 19 ans postait sur son compte Facebook un appel singulier: «Chers amis, connaissances et frères humains, je m’appelle Marco Hauenstein et je suis né le 19 juin 1997 dans la région d’Aarau/Zurich. Après des années de recherches infructueuses, je m’adresse à vous maintenant. Je cherche mes parents et mes grands-parents biologiques!»Le message donnait ensuite le peu de détails que le jeune homme avait déjà réussi à réunir: sa mère biologique s’appelle Gina Barbara Hauenstein et est née en 1970. Le message était accompagné d’un portrait en noir et blanc, pris lorsque sa mère était âgée d’une vingtaine d’années. Elevé en famille d’accueil depuis l’âge de 3 ans, Marco Hauenstein n’a plus jamais eu de nouvelles ni de sa maman ni de sa famille biologique. De son père, personne ne sait rien.

Des centaines de messages de soutien

Presque immédiatement, les témoignages de soutien et de sympathie pleuvent. Des médias nationaux s’intéressent au garçon et à sa quête, suivis, bientôt, par des télévisions et des journaux d’Angleterre, d’Allemagne, du Portugal, du Brésil: BBC, Die Welt, Der Spiegel, etc.

Le jeune homme, pour qui cet appel était un peu la tentative de la dernière chance, lui qui avait frappé sans succès depuis près de trois ans aux portes de presque toutes les administrations d’Argovie et du canton de Zurich, reprend tout à coup espoir: «Je me suis senti porté par ces centaines de messages, tous très positifs. J’ai commencé à ressentir le besoin de savoir quelque chose de mes racines lorsque je suis devenu adolescent. Petit, je vivais une vie parfaitement normale. J’ai eu une famille d’accueil formidable, ils ne m’ont jamais caché que je n’étais pas leur enfant, tout en ne me traitant pas différemment. J’ai grandi avec un frère et deux sœurs, qui me sont très proches. Mais, vers 16 ans, il y a eu une rupture de ma part. Je suis parti de chez moi. Et j’ai commencé cette recherche de ma famille biologique. A cette époque, je ne faisais que pleurer. C’était tellement douloureux! Depuis quelque temps, cela va vraiment mieux. Je me sens fort. Et je me suis rapproché de ma famille d’accueil. Ils m’aident beaucoup.»

Assez rapidement, au tout début de ses démarches, Marco Hauenstein apprend qu’il n’est pas le seul à être sans nouvelles de sa mère. En effet, Gina Hauenstein a disparu sans laisser de traces depuis le 19 février 2000. Sa famille, la police, tout le monde la cherche depuis presque dix-sept ans. Marco ne se laisse pas abattre et, conseillé par des amis, il se lance et publie son appel sur Facebook: «Honnêtement, je ne savais pas trop ce que cela allait donner. Je ne m’attendais pas à tant de réponses, vraiment! J’ai dû m’organiser avec des amis et ma famille, c’est-à-dire ma famille d’accueil, pour répondre à chacun et vérifier les indications qui nous étaient transmises.»


Marco, bébé, dans les bras de sa maman. L’un des rares documents qu’il possède. Photo: DR

Très vite, les informations des internautes le portent vers sa tante, la demi-sœur de sa mère, son oncle et sa grand-mère, Silvia Hauenstein: «Quand j’ai parlé pour la première fois à ma grand-mère, c’était incroyable. Elle était très heureuse de me retrouver. Nous avons pleuré. Je suis allé lui rendre visite. Depuis, nous nous parlons beaucoup, mais c’est difficile, car elle est très malade.»

Macabre découverte 
en Allemagne

A peine Marco a-t-il pu fêter ces retrouvailles qu’un contact avec la police argovienne vient tout chambouler. «Les policiers m’ont convoqué pour m’indiquer que l’os d’un fémur avait été retrouvé en 2013 en Allemagne, à Walds­hut, tout près de la frontière suisse. En 2015, une identification positive a pu être faite avec l’ADN de ma mère. Ils n’avaient rien signalé à la famille parce qu’ils ne voulaient pas entraver l’enquête allemande. Pour l’instant, personne n’a su me dire ce qui a bien pu se passer. En Allemagne, l’enquête, à ma connaissance, n’a pas encore pu établir si cet os est lié à un suicide, un meurtre ou un accident. Quant à moi, je ne cesse de me poser la question: est-ce qu’elle est vraiment morte? Je n’en sais rien. On peut vivre sans jambe, non? Et puis, même si elle est morte, je veux savoir ce qui s’est passé. Parce qu’à ce stade, je ne saurais pas quoi écrire sur sa tombe.»

Courageusement, Marco s’est rendu en Allemagne, pour rencontrer la famille qui a trouvé l’os de sa mère. «C’est leur chien qui a fait la trouvaille. Ils m’ont dit qu’il y avait un autre os. Pourquoi la police ne m’en a-t-elle pas parlé? Il faut que je comprenne, vraiment. On m’a conseillé de prendre un avocat en Allemagne, de façon à pouvoir suivre l’enquête. Mais c’est compliqué, difficile et, surtout, cher!»


A cause de l'addiction de sa mère, Marco est né toxicomane. Le bébé a commencé sa vie par un long sevrage. La police argovienne a identifi é en 2015 un os fémoral retrouvé en 2013 en Allemagne comme étant celui de Gina Hauenstein. Malgré tout, Marco garde encore espoir. Photos: DR

Pour poursuivre ses recherches, Marco entend créer sur Internet un appel au financement participatif: «Je suis actuellement sans emploi. J’ai entamé deux apprentissages que je n’ai malheureusement pas terminés. Mais je m’accroche, je fais des petits boulots et je m’engage comme arbitre et entraîneur de foot pour les juniors. C’est vrai, ces recherches me prennent beaucoup de temps et d’argent. J’ai une affreuse ardoise auprès des CFF à cause de tous ces voyages que j’entreprends et que je ne peux pas toujours payer. Cela me gêne beaucoup et je voudrais pouvoir prendre rendez-vous avec leur patron pour lui expliquer pourquoi je fais cela.»

Accompagné désormais d’un détective privé zurichois qui l’«aide gratuitement», Marco espère bientôt rencontrer celui qui a été le dernier petit ami de sa mère, habitant désormais en Croatie. «Peut-être a-t-il des informations sur mon père?»Sur cette dernière note d’espoir, le jeune homme retourne chez lui, à Zoug, frottant encore une fois son œil droit, resté fixe depuis sa naissance: «Je suis aveugle de cet œil, cela a toujours été comme cela. Peut-être un des effets de la drogue, je n’en sais rien…»

Pour suivre l’histoire 
de Marco Hauenstein: 
www.facebook.com/News
aboutmarcohauenstein

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Nuria Lang, une super nanny qui en a vu de toutes les couleurs

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Julie de Tribolet
"Nous sommes des généralistes, à la fois psychologues, sociologues, ethnologues...", confie Nuria Lang, éducatrice sociale.
Témoignage

Nuria Lang est éducatrice sociale. Depuis treize ans, elle intervient au sein de familles rencontrant des difficultés éducatives. Des enfants rois, elle en a rencontré des centaines.

Nuria Lang travaille à l’AEMO (action éducative en milieu ouvert) du canton de Neuchâtel depuis bientôt treize ans. Elle est responsable d’une équipe de onze personnes intervenant sur tout le littoral neuchâtelois, le Val-de-Ruz et le Val-de-Travers.
Comment définiriez-vous votre travail?
J’interviens auprès des familles qui rencontrent des difficultés éducatives, familiales, relationnelles ou de comportements afin de leur permettre de retrouver des conditions de vie suffisamment bonnes pour favoriser le développement et la stimulation de leurs enfants. Car nous sommes convaincus que le lieu le plus propice au bon développement d’un enfant est sa famille. Il reste que, parfois, le placement en institution est la meilleure réponse pour garantir la protection d’un enfant.
Vous rappelez-vous la première fois où vous êtes intervenue dans une famille?
C’était une famille qui avait été signalée au juge par l’école où la fille s’était plainte de mauvais traitements. Dans un premier temps, il a fallu construire une alliance éducative afin de clarifier le fait que je n’étais pas là pour les juger mais pour les aider à retrouver un fonctionnement acceptable pour tous. Car, si les parents reconnaissaient avoir été débordés par moments face aux comportements de leur fille, ils ne pouvaient accepter d’être considérés comme maltraitants.
Qu’est-ce qui motive vos interventions?
A Neuchâtel, contrairement à ce qui se passe par exemple sur Vaud ou à Genève, où il faut passer par un service de protection de la jeunesse, tout le monde peut prendre librement contact avec nos services. Les familles s’adressent donc directement à nous, même si elles agissent parfois sur recommandation ou injonction d’une institution scolaire ou du service de protection de l’enfant. Mais il n’y a jamais de contraintes administratives ou judiciaires.
Comment se passent les premiers contacts avec la famille?
Après contact téléphonique, le premier entretien a toujours lieu dans nos bureaux. Chacun se présente et nous essayons de mettre des mots, ensemble, sur les raisons qui les ont amenés à nous contacter et voyons comment nous pourrions travailler ensemble. A la suite de ce premier entretien, les familles ont quelques jours pour décider si elles veulent s’engager avec nous. Mais l’accompagnement dure au maximum dix-huit mois à raison d’une visite d’environ une heure et demie chaque semaine.
Comment se passent ces visites?
C’est là que l’aventure commence… Car c’est la famille qui décide où et comment on se rencontre. Elle ne nous montre du foyer familial que ce qu’elle veut et on doit s’adapter et trouver un juste équilibre: devenir proche tout en gardant une distance. Mais c’est un poste privilégié pour observer les interactions familiales dans leur milieu naturel. On démarre en général dans un salon où l’on a soigneusement fait le ménage avant notre arrivée…
Mais vous observez quoi?
On n’entrera jamais dans une pièce si on n’y a pas été invité et on ne va pas se mettre à fouiller dans les placards… Par contre, on accueille ce qui nous est dit, on essaie de comprendre comment la famille s’organise dans ce lieu. Contrairement à ce qui se passe dans le cabinet d’un psy où on ne fait que parler, on est dans le concret. Si les parents sont exaspérés parce que leur enfant ne range pas sa chambre, on peut aller dans ladite chambre avec le jeune et ses parents et interroger le cadre du conflit. Cela permet d’approcher de manière très précise les fonctionnements. Parfois, on fait appel à des jeux.
Des jeux?
Oui. Vous serez peut-être étonné d’apprendre que l’Uno se révèle un excellent outil pour mettre en lumière les fonctionnements à l’intérieur d’une famille. Car les règles de ce jeu de cartes sont suffisamment floues pour que chacun croie détenir la bonne et les dix ou vingt minutes que la famille passe à se mettre d’accord sont riches d’enseignement sur les caractères en présence, les interactions, les rôles et la place de chacun dans la galaxie familiale… Nous veillons également à leur permettre de vivre des moments positifs ensemble et de ne pas rester uniquement centrés sur ce qui ne va pas. Nous sommes des généralistes, à la fois psychologues, sociologues, ethnologues… Plus notre boîte à outils est fournie, mieux on s’adapte aux besoins des familles.
Et si les parents sont d’accord pour collaborer et pas l’enfant?
Ça arrive, mais l’enfant étant mineur, ce sont les parents qui décident. Et l’on peut très bien centrer notre action sur les parents et aboutir à des améliorations dans la situation de l’enfant. Lorsque les parents sont très démunis, c’est d’ailleurs souvent préférable d’engager un travail séparé avec eux, ne serait-ce que pour qu’ils y voient un peu plus clair dans la situation qu’ils sont en train de vivre, qu’ils trouvent d’autres repères et reprennent confiance. Il arrive également que le jeune demande à vous parler seul à seul et qu’il soit le moteur du changement familial.
Que pensez-vous des «super nannies» de la télé? Elles vous ressemblent?
J’aimerais bien que ça se passe dans la réalité comme à la télévision, où les problèmes familiaux disparaissent comme par miracle. Plutôt que de donner des conseils formulés comme une recette de cuisine, nous collaborons avec les familles pour trouver des réponses à leurs difficultés. Ce sont les familles qui ont les clés. On les aide simplement à les retrouver. D’un autre côté, le mérite de ce genre d’émission de téléréalité est d’avoir normalisé le fait que les familles pouvaient rencontrer des difficultés importantes et qu’il n’y avait pas de honte à demander de l’aide. Un tabou a sauté et peut-être que ça encourage les gens à contacter des services comme le nôtre.
Un exemple?
Je me souviens d’une famille avec un jeune adolescent brillant scolairement mais très oppositionnel à la maison. Impossible de lui faire ranger sa chambre. Il m’a fallu du temps pour lui faire avouer que s’il ne rangeait pas sa chambre, c’était parce qu’il avait peur qu’en le faisant, ses parents lui demandent de ranger toute la maison… Confronté à des parents perfectionnistes et 
exigeants qui lui demandaient toujours plus à l’école, il craignait de se retrouver dans la même situation à la maison.
Combien de familles vues par l’un de vos éducateurs en l’espace d’une année?
Un intervenant à 100% accompagne une quinzaine de familles, qu’il rencontre une fois par semaine. Pour notre antenne, sur une année, nous rencontrons environ 250 familles, 370 sur l’ensemble du canton de Neuchâtel.
Existe-t-il un profil type de ces «familles à problèmes»?
Non. Nous rencontrons des familles de tous horizons et de tous niveaux socioéconomiques. Une famille bien «équipée» matériellement, intellectuellement et affectivement peut très bien avoir des difficultés. Par exemple lorsqu’elle découvre l’adolescence avec un premier enfant. C’est le type d’événement qui peut remettre en question tout un équilibre familial. La précarité, les divorces conflictuels, le chômage, le déracinement culturel et toutes les autres situations qui peuvent aboutir à un isolement social sont également des facteurs de vulnérabilité.
Vous arrive-t-il d’échouer dans vos démarches?
C’est assez rare, mais il peut arriver que la mayonnaise ne prenne pas. Soit parce que la famille n’est pas prête, soit parce qu’il y a un problème de compatibilité entre la famille et l’intervenant, ou encore parce que la situation n’est pas mûre. Parfois, il faut se résoudre à un placement, une solution chère et douloureuse, mais la moins mauvaise chose à faire en l’état. A certains couples fragiles psychologiquement, on est parfois obligé d’expliquer que s’ils peuvent être de bons parents à temps partiel, ils ne peuvent pas s’occuper de leurs enfants en permanence. On a le droit d’être parent même si c’est seulement par moments.
Et si, lors de votre séjour dans la famille, vous découvrez des abus graves?
On rencontre beaucoup plus de parents démunis que de parents abusifs. Mais si des abus graves, maltraitance massive ou abus sexuels par exemple, sont révélés, on ne va pas jouer au pompier. Le principe de confidentialité n’a plus cours et nous devons partager l’information avec l’Office de protection de l’enfant.
 
Découvrez le premier des trois témoignages de familles romandes qui ont été dépassées par leurs propres enfants
 
L'illustré consacre cette semaine un dossier complet au thème de l'enfant-roi. Pour retrouver notamment les précieux conseils du Dr Frenck, rendez-vous dans L'illustré n°16, disponible partout!

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Moi d'abord! Le diktat de l'enfant-roi

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Julie de Tribolet
L'enfant-roi, tel que nous l'avons laissé s'installer. Aujourd'hui, certaines familles sont complètement démunies face à lui...
Dossier

L'illustré consacre cette semaine un dossier complet au phénomène de l'enfant-roi. Nous avons recueilli le témoignages de trois familles romandes, qui racontent leur calvaire et révèlent comment elles s’en sont sorties. On commence avec la famille d'Hugo et Stella, deux enfants terribles de 9 et 6 ans.

Hugo est un garçon curieux, vif, indépendant, qui aime bien avoir réponse à tout. Il sera sans doute flatté que l’on commence par parler de lui dans cet article. A moins qu’il ne pense que c’est tout à fait normal puisque, après tout, c’est lui le héros de cette histoire. 
Car c’est bien lui qui, du haut de ses 8 ans à l’époque, avait réussi le petit tour de force de prendre le pouvoir dans sa famille. Aidé en cela par une petite sœur, Ella, 5 ans, en pâmoison devant lui, et des parents décontenancés par ce gamin qui leur tenait tête à tout bout de champ, refusait de venir manger à table quand on l’appelait et piquait des colères noires à la moindre contrariété. 
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Hugo, à gauche de dos, et sa soeur Ella se sont bien amusés à rejouer une scène inspirée de leur gloire passée. Photo: Julie de Tribolet

Pourtant, Julie, urbaniste-paysagiste, et Yit-Shun, ingénieur en microtechnique, sont un couple de quadras plutôt aisé, avec un niveau socioculturel au-dessus de la moyenne. Mais pour décrire la galaxie familiale de l’époque, Julie a ces mots: «Hugo était le roi, Ella la princesse et nous les palefreniers… Et, en plus, on sentait bien que le roi n’était pas heureux d’être parentalisé, que la princesse, en grandissant, chercherait à sortir de l’emprise de son frère et que les deux palefreniers se disputaient constamment. La pédiatre m’a alors orientée vers le cabinet de thérapie familiale lausannois de Nahum Frenck et Jon Schmidt.» 
Dans le cabinet du thérapeute familial
A ce premier rendez-vous, en avril 2016, toute la famille est présente, même si le papa, un grand classique, est là surtout pour faire plaisir à maman. «On était comme dans une pièce de théâtre, se rappelle Julie. Tout le monde a joué son rôle à la perfection. Surtout notre fils, qui n’a même pas dit bonjour. Il s’est affalé sur le canapé et a passé son temps à expliquer à sa sœur, criante de vérité en petite fille parfaite, comment elle devait se comporter. Moi, j’étais épuisée et Yit-Shun dans l’expectative…» 
Mais quand, à la fin de la séance, Nahum Frenck demande aux deux parents pourquoi ils sont là, c’est le cri du cœur: «On veut faire un putsch, ou plutôt un contre-putsch et reprendre le pouvoir dans notre famille.» Nahum Frenck sort alors deux couronnes des Rois de son bureau, et demande à Julie et Yit-Shun: «C’est ça, les parents que vous voulez être?» «J’ai poussé un grand oui, se rappelle Yit-Shun. Mais au moment où Nahum s’apprêtait à poser les couronnes sur nos têtes, Hugo s’est levé, s’est lancé dans un violent et interminable réquisitoire contre ce déni de démocratie et a quitté la pièce.» 
Une lente et laborieuse reconquête du pouvoir
A la suite de cette première séance mouvementée mais révélatrice, les deux psys, qui se sont rendu compte que les parents étaient à bout, vont leur proposer d’instituer une safe place, un lieu à l’abri, dans leur appartement: tous les jours, avant le repas du soir, ils prendront une dizaine de minutes, entre adultes, enfermés dans leur chambre, pour décompresser. Un rituel annoncé et clos par un coup de gong. Avec interdiction absolue pour les enfants de toucher à ce gong. «On était sûrs, commente le papa, qu’ils n’allaient jamais nous laisser tranquilles, qu’ils allaient tambouriner à la porte et jouer avec le gong. Mais, dès le premier jour, ils ont respecté cette consigne.»
Cette première limite posée et respectée par les enfants, Julie et Yit-Shun, sur les conseils de Nahum Frenck et Jon Schmidt – qui verront la famille une demi-douzaine de fois –, vont instituer des règles de vie commune: obéir sans discuter, être poli, répondre quand on vous parle, respecter les autres… Le tout dûment noté sur un document contresigné par les parents qui installent également un tableau avec une pincette baromètre qui descend ou monte (un vieux truc de maîtresse d’école…) en fonction de l’attitude des enfants.
«Ça a été magique, confirment-ils. Le simple fait qu’on soit cohérents dans notre attitude et dans nos attentes avec nos enfants a grandement amélioré la situation. Ce n’est toujours pas parfait, on se sent un peu en rémission, mais on a des outils et on sait à quelle porte frapper si ça va de nouveau mal.»
 
A lire aussi sur ce même thème le témoignage de Nuria Lang, une super nanny romande et demain, le témoignage d'une deuxième famille romande.

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La piqûre de rappel de Melania Trump

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La piqûre de rappel de Melania Trump

Journée traditionnelle de course aux oeufs, dimanche dernier à la Maison Blanche. Une journée qui débute, immanquablement aux Etats-Unis, par l'hymne américain. Le président Trump oublie de mettre sa main droite sur le coeur. Une chance que son épouse Melania veille au grain!

Etats-Unis

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Arlinda: "Je croyais être une mère parfaite..."

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Julie de Tribolet
Medina et Blend ont bien grandi aujourd’hui. Et les disputes avec Arlinda comme témoin ne sont plus qu’un jeu.
Témoignage

Confrontées au phénomène de l'enfant-roi, dépassées par leur progéniture, trois familles romandes racontent comment elles s'en sont sorties. Aujourd'hui, le témoignage d'Arlinda, mère célibataire de 36 ans, et de ses enfants Blend et Medina, âgés respectivement de 16 et 11 ans.

«Je croyais être une mère parfaite, que tout était de leur faute. Je leur achetais tout ce qu’ils voulaient et je ne comprenais pas qu’en retour ils ne m’obéissent pas. J’ai appris depuis qu’on ne peut pas acheter l’amour de ses enfants, qu’il ne faut pas les surprotéger et exiger d’eux la perfection mais les responsabiliser.» Arlinda a 36 ans. D’origine kosovare, elle est arrivée en Suisse en 2006. Mère de contact bénévole pour la Croix-Rouge, elle élève seule ses deux enfants: Blend, 16 ans, et Medina, 11 ans.
Début 2013, l’école de Medina conseille à sa maman de contacter l’AEMO de Neuchâtel: la gamine a de gros problèmes en classe, elle semble stressée et passablement angoissée. C’est Nuria Lang, éducatrice sociale (voir l’interview en page 58), qui va prendre en charge le dossier et, durant dix-huit mois, se rendre chaque semaine, le mardi après-midi, dans l’appartement que la famille occupe sur les hauts de Neuchâtel. «On a tout de suite eu confiance en Nuria, se rappelle Arlinda. Alors j’ai vraiment vidé mon sac. On a beaucoup pleuré, crié, il y a eu des scènes très dures avec les enfants. Mais Nuria, toujours souriante, passait son temps à dédramatiser les choses, à nous redonner confiance. Elle m’a appris à ne plus me battre avec mes enfants sur le ring mais plutôt à faire l’arbitre.»
Petit à petit, une habitude s’installe au sein de la famille. Au lieu de s’affronter continuellement pour des motifs plus ou moins sérieux, Arlinda, Blend et Medina notent tout au long de la semaine dans un coin de leur tête leurs récriminations en prévision du mardi après-midi. 
«Je vais le dire mardi à Nuria…» devient la petite phrase magique qui désamorce les conflits. Et quand ça ne suffit pas, Arlinda agite le panneau rouge «STOP» que lui a remis l’éducatrice.
Une étape est franchie le jour où Arlinda accepte que ses enfants partent une semaine en classe verte. «Je ne m’étais jamais séparée d’eux une seule journée, même quand Blend avait été hospitalisé. Les trois premières nuits du camp, je n’ai pas fermé l’œil. Mais j’ai appris à prendre de la distance et ça a été bénéfique pour mes enfants comme pour moi.»
En l’espace de dix-huit mois, l’ambiance familiale change du tout au tout. Le tableau des tâches installé dans la cuisine responsabilise chacun. Fini le dernier modèle de Natel ou de PlayStation. On fait des économies et on part ensemble en voyage en Allemagne ou au Kosovo. Et on attend avec toujours plus d’impatience les visites de Nuria. Mais voilà, il a bien fallu un beau jour se séparer d’elle. Un an et demi après cette rupture douloureuse pour toute la famille, Medina a encore les larmes aux yeux en évoquant «la dame en vert qui devenait toute rouge lorsqu’on lui parlait mal».
 
A lire sur le même sujet le témoignage d'une première famille ainsi que celui de Nuria Lang, une super nanny qui en a vraiment vu de toutes les couleurs.
 
A noter que L'illustré n°16, actuellement disponible en kiosque, consacre un dossier complet à l'enfant-roi et ses diktats, avec en particulier de précieux conseils. 

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Un jour, Cindy et Mario n'ont plus su gérer

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Julie de Tribolet
Témoignage

Confrontées au phénomène de l'enfant-roi, dépassées par leur progéniture, trois familles romandes racontent comment elles s'en sont sorties. Aujourd'hui, le témoignage de Cindy et Mario, 31 et 41 ans, confrontés à leurs deux enfants Lyam et Nawell, 22 et 10 mois.

On dit que les cordonniers sont les plus mal chaussés… Cindy et Mario Gessler, 31 et 41 ans, tous deux éducateurs en milieu scolaire à Lausanne, ont deux garçons: Lyam, 22 mois, et Nawell, 10 mois. Qui pourrait imaginer que ces professionnels qui ont vu défiler des centaines de gamins dans leur boulot péteraient un jour les plombs à cause de leurs deux charmantes têtes blondes? Deux naissances rapprochées, une mort subite du nourrisson évitée de peu chez l’aîné, un clivage culturel entre les deux parents… Cela suffit-il à expliquer pourquoi, un jour, Cindy a craqué? «C’était l’été dernier. On venait juste d’arriver chez ma maman pour les vacances. Le voyage avait été particulièrement pénible. J’étais crevée, Nawell avait trois semaines et demie et Lyam était ingérable. C’est ma mère, affolée par le spectacle de discorde qu’on lui offrait, qui m’a conseillé de prendre contact avec Nahum Frenck.»
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Deux parents heureux qui jouent avec  leur progéniture.  Un tableau idyllique que l’on n’aurait pas pu composer il y a quelques mois. Photo: Julie de Tribolet

Que Cindy ait craqué en ce premier jour de vacances n’est pas étonnant. Mario et elle, depuis la naissance de leur premier fils, s’étaient peu à peu enfoncés dans un tunnel sans fin. «On ne sortait plus le soir parce qu’on avait peur que Lyam ne puisse pas dormir en dehors de son lit, se rappelle Cindy. J’avais même renoncé à aller boire un verre avec mes copines dans la journée car, à la moindre contrariété, il se cognait volontairement la tête par terre. Son père et moi n’arrêtions pas de nous engueuler à son propos.»
Autant dire que lorsque la première réunion avec Nahum Frenck et son collègue psychologue Jon Schmidt se tient à la mi-octobre, Cindy et Mario sont singulièrement soulagés. «La première chose qu’ils m’ont dite à la fin de l’entretien, c’est que Lyam avait des réactions normales pour son âge. Et que le problème était chez nous et pas chez nos enfants… C’est notre couple que l’on devait soigner, pas Lyam, qui n’a plus jamais remis les pieds au cabinet.»
En cinq séances de confrontation avec le binôme Frenck-Schmidt, le couple va comprendre bon nombre de choses. Pourquoi Cindy et Mario ont surprotégé Lyam jusqu’à en faire un tyran domestique? Parce qu’ils ont failli le perdre tout bébé. Pourquoi Cindy n’arrive pas à donner une place au père de son enfant? Parce que, enfant, elle n’a pas eu de père à la maison. Pourquoi les deux parents, qui n’ont aucun problème à prendre en charge des dizaines de gamins au boulot, se retrouvent complètement désarmés devant un bout de chou à la maison? Parce qu’ils se sont trompés de rôle: ils ne sont pas l’éducatrice et l’éducateur de Lyam mais sa maman et son papa. Et Cindy et Mario de conclure: «Ça a mis du temps et des larmes, mais on a compris qu’il fallait oublier ce qu’on avait lu dans nos manuels de pédagogie. On a appris à se faire confiance, à diminuer nos exigences envers nos enfants et, surtout, à être cohérents avec nous-mêmes et à l’intérieur de notre couple. Et ça a marché…»
 
A lire sur le même sujet le témoignage d'une première famille , d'une deuxième famille, ainsi que celui de Nuria Lang, une super nanny qui en a vraiment vu de toutes les couleurs.
 
A noter que L'illustré n°16, actuellement disponible en kiosque, consacre un dossier complet à l'enfant-roi et ses diktats, avec en particulier de précieux conseils du Dr Nahum Frenck. 

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Un daltonien pleure en découvrant les vraies couleurs de la vie

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Un daltonien pleure en découvrant les vraies couleurs de la vie

Pour son anniversaire, un homme daltonien reçoit un cadeau inouï pour ses 66 ans: une paire de lunettes EnChroma, qui lui permettent de découvrir les vraies couleurs de son environnement pour la première fois de sa vie. Un moment émouvant partagé en famille.

Émotion

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